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Un dialogue national

par Kamel Daoud

-C'est toi qui as commencé : tu me prends mes gendarmes, je te prends tes policiers. Tu veux mettre ton ministre à ma place et me mettre à la place de ton ministre.

- Oui, mais si tu touches à mes amis du Forum, je bloque tes avions et le bras social qui les tient en l'air.

- D'accord, et qui a tué les gendarmes de BBA ?

- Je te jure que ce n'est pas moi ! On se fait la guerre mais pas comme ça, tu le sais.

- Je ne te crois presque pas. Depuis que j'ai parlé de mon frère à mon peuple et que mon frère a parlé de moi à ma place pour ma place, mon dos me démange comme un requin autoreverse et j'ai des problèmes là où je pose les pieds.

- Tu sais, être roi c'est pas facile. Et être dans le dos du roi comme un mal de dos, est encore plus difficile.

- Mais qu'est-ce que tu veux à la fin ?

- La moitié de ce que tu veux toi pour toi tout seul. Tu t'en souviens pas ? J'en ai marre : à chaque fois que je t'apporte ce peuple sur un plateau avec mes bus, tu t'en sers pour m'enlever encore une dent et une vertèbre.

- Tu sais que je n'ai pas nommé de nouveaux walis à cause de toi ?

- Oui, mais tu as gardé les mêmes ministres et tu as jeté à la poubelle la liste que je t'ai donnée, alors que nous étions d'accord !

- Oui mais toi, tu m'as mis à mal avec mon ami Sarkozy avec ton ami vieux ministre. Tu veux mettre en prison certains de mes proches et tu commences la lutte contre la corruption en commençant chez moi, en Oranie.

- Bah, tu sais, tu as fait la même chose près de Annaba !

- Mais tu n'es pas de Annaba !!

- Toi non plus tu n'es pas d'Oran !

- Au fait, Berriane, c'est toi ou eux ?

- Rien ne va plus en Irak.

- Ni pour ta santé, ni pour la mienne. Sauf que moi j'ai un frère.

- Ça ne suffit pas. Tu as dix doigts et deux mains. J'ai mille pattes, deux mille bus.

- je croyais même que tu étais mon vizir !!!

- Moi aussi je croyais que tu étais le mien ! Je t'ai retrouvé dans le désert sans eau, la bouche ouverte, à la frontière d'un Mali sans arbre et tu me remercies en me perçant mes pneus ?

- Oui, j'ai toujours refusé d'être les trois quarts de ce que je suis et tu n'as jamais accepté que je sois plus que ton ombre.

- Comment ça va finir ?

- La question est : comment allons-nous finir ? Avant ce pays, pendant ou après lui.

- Embrasse-moi, faisons la paix !

- J'aimerais tant, mais tu es invisible et moi je suis insaisissable ! Le pays est à moi, je suis son élu ! Alger n'est plus la zone autonome.

- Et toi tu es à moi, tu es mon acteur préféré.