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Ingérences

par Abdelkrim Zerzouri

Invraisemblance, ironie du sort ou est-ce encore l'adage conseillant de ne pas jeter de pierre sur la maison de son voisin quand la sienne est en verre, qui trouve toute sa signification dans ce contexte d'une gestion «critiquée» par le gouvernement français des manifestations contre la réforme des retraites ? La France en prend pour son grade de pays de la liberté d'expression et de manifester quand l'Iran, hier condamnée pour la répression exercée contre les manifestants à travers plusieurs villes iraniennes, l'appelle à éviter la violence et à «écouter» les manifestants, lors d'une nouvelle journée de protestation (vendredi 24 mars) contre la réforme des retraites, particulièrement imprimée d'une violence policière fort inquiétante.

Plus de 450 personnes ont été interpellées et «441 policiers et gendarmes» blessés jeudi, selon les propos du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Des violences qui ont atteint un niveau jamais enregistré depuis le début du mouvement de protestation en janvier. L'Iran a saisi cette occasion pour rendre sa monnaie à la France, qui a été parmi les pays qui se sont élevés avec force et indignation contre la répression des manifestations qui ont suivi la mort en détention, le 16 septembre, de Mahsa Amini, arrêtée pour infraction au strict code vestimentaire des femmes, lesquelles manifestations ont été qualifiées par les autorités iraniennes «d'émeutes» ourdies par Israël et les pays occidentaux.

«Le gouvernement français doit parler à son peuple et écouter sa voix», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Nasser Kanani, sur Twitter. «Nous ne soutenons pas les destructions ni les émeutes, mais nous maintenons qu'au lieu de créer le chaos dans d'autres pays, vous devriez écouter la voix de votre peuple et éviter de faire usage de violence à son égard», a-t-il considéré. Des critiques de l'Iran contre la France, qui aurait pu y prêter crédit s'il n'y avait cette inquiétude exprimée par la commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, qui s'est alarmée, vendredi 24 mars, d'un «usage excessif de la force» envers les manifestants contre la réforme des retraites ? Tout comme l'a fait l'Iran, elle a appelé la France à respecter le droit de manifester. Dans ce sillage, la commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe reconnaît, à travers son communiqué, que «des incidents violents ont eu lieu, parmi lesquels certains ont visé les forces de l'ordre», qu'elle a jugé «répréhensibles», mais cela «ne saurait justifier l'usage excessif de la force par les agents de l'Etat. Ces actes ne suffisent pas non plus à priver les manifestants pacifiques de la jouissance du droit à la liberté de réunion», a-t-elle poursuivi. «Il appartient aux autorités de permettre l'exercice effectif de ces libertés, en protégeant les manifestants pacifiques et les journalistes couvrant ces manifestations contre les violences policières et contre les individus violents agissant dans ou en marge des cortèges», a-t-elle insisté. Donnant du tonus au blâme émis par l'Iran contre la France. N'est-ce pas que la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays est la morale la mieux indiquée à suivre par les uns et les autres ?