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Une visite et des interrogations

par Abdelkrim Zerzouri

Le département d'Etat américain qui joue ses dernières heures n'a pas laissé passer le temps pour concrétiser dans les actes la décision «historique» de Donald Trump, reconnaissant il y a un mois la marocanité du Sahara Occidental, en posant pied officiel dans la ville de Laâyoune, province saharienne sous occupation marocaine. Immédiatement après un passage à Alger, jeudi dernier, le Sous-secrétaire d'Etat américain en charge des questions du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord au département d'Etat, David Schenker, s'est rendu au Sahara Occidental. Une première qu'on veut inscrire dans l'histoire. En somme, la visite de David Schenker s'inscrit dans le cadre de l'accord signé le 22 décembre par les Américains, les Israéliens et les Marocains, liant une normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et l'État hébreu à la reconnaissance américaine de la souveraineté de Rabat sur le Sahara Occidental. Laissant clairement apprécier que le souhait de l'Algérie, transmis au concerné lors de son passage à Alger, de voir Washington conserver son «impartialité» sur la scène régionale et internationale, n'a pas été entendu.

D'où les interrogations suscitées par cette visite. Pourquoi alors ce responsable américain s'est-il donné la peine de transiter par Alger avant de se rendre directement dans la ville de Laâyoune, où il a confirmé la partialité de Washington sur la scène régionale ? Est-ce juste pour dire aux Algériens que les Etats-Unis ne seront pas militairement présents sur le terrain au Sahara Occidental, ou qu'ils «ne comptent pas établir une base militaire au Sahara Occidental» et que l'état-major du commandement militaire américain pour l'Afrique (Africom) «n'y sera pas relocalisé» ? Peut-être, aussi, que l'hôte de l'Algérie chercherait à dissuader Alger de soutenir le Front Polisario dans une guerre qui semble inévitable contre le Maroc. Les deux pays ont des intérêts communs à garantir une région plus sécurisée, plus stable et prospère, devait-il expliquer dans cet esprit. A travers la visite en question, et à la veille de l'occupation du Département d'Etat américain par une nouvelle équipe, on chercherait à mieux asseoir la reconnaissance de la marocanité du Sahara Occidental devant les autorités algériennes, et faire abandonner à l'Algérie son soutien indéfectible à l'autodétermination du peuple Sahraoui au profit de l'option marocaine plaidant pour une autonomie de ces territoires sous la souveraineté marocaine. D'ailleurs, il l'a clairement affirmé en soulignant, à partir d'Alger, que l'administration Trump soutenait le «plan d'autonomie» de Rabat. Quel changement pourrait-on espérer après l'installation du président américain élu ? «Chaque administration dispose de la prérogative de décider de sa politique étrangère», a consenti David Schenker à Alger.

En attendant, le Maroc jubile, semblant croire à la durabilité de la position américaine. Pourtant, la position américaine changerait au gré de ses intérêts qui, demain, ne seront peut être pas ceux d'hier.