Difficile
d'évacuer de ses tourments l'Entreprise nationale des industries
électroménagères (Eniem) dans cette atmosphère
délétère, où la crise financière qui l'étrangle depuis de longues années se
greffe à un autre malaise socioprofessionnel qui entremêle les fils à suivre
pour sortir la tête de l'eau. Alors que cet ancien fleuron de l'industrie est à
l'agonie, avec à son chevet ministère, experts et banquiers pour actionner un
plan qui pourrait le sauver de la faillite, les travailleurs appelés à une
reprise d'activité dimanche 3 janvier, après un mois de chômage technique, ont
refusé de répondre favorablement à cet appel sans la satisfaction de leurs
exigences, «la non comptabilisation du congé technique dans les salaires» et
«le départ du P-DG de l'ENIEM». Est-ce vraiment le moment opportun de mettre
sur la table des revendications socioprofessionnelles ? Certes, ces deux
revendications ont été soumises depuis l'arrêt technique de l'activité de l'Eniem pour une durée d'un mois (du 01 au 31 décembre 2020)
décidé par la direction de l'entreprise pour cause de «contraintes financières»
et «rupture des stocks des matières premières», mais la reprise de travail ne
devait-elle pas primer sur le plan des priorités ? Car, en l'état, l'avenir de
l'Eniem tout entier, soit le gagne-pain des
travailleurs, reste très flou malgré les assurances du ministre de l'Industrie,
Ferhat Aït Ali Braham, qui avait déclaré le 8
décembre dernier que des mesures adéquates seront prises «dans les plus brefs
délais» en vue de résoudre les problèmes de l'Eniem
et de relancer ce groupe.
On l'a déjà
vécu par le passé avec tout l'argent injecté dans ses caisses sans résoudre ni
le marasme socioprofessionnel ni permettre à l'entreprise de voler de ses
propres ailes sans recourir aux prêts bancaires. Comment une entreprise
économique de la taille et de la notoriété de l'Eniem
en est-elle arrivée à cette déplorable situation ? Elle a subi le même triste
sort que d'autres entreprises du secteur industriel mises sur rails dans le
sillage de la politique d'industrialisation entamée dans les années 70, à la
seule différence qu'on lui a réservé un traitement différent, la soutenant à
bout de bras du « social » pour ne pas la laisser couler comme d'autres. L'Etat
avait toujours dans le souci de sauvegarder les emplois (1700 postes de
travail) dans une région (Tizi Ouzou) où peu d'opportunités de travail sont
offertes aux riverains. Mais, le « social » a atteint ses limites, et le souci
de sauvegarder les emplois passent par la compétitivité et la rentabilité.
Autant dire une profonde mue des règles de gestion, des habitudes et de la
relation de travail, elle-même. Et, les causes qui n'ont pas permis à cette
entreprise de se relever sur ses pieds, qui ont par le passé plaidé en sa
faveur, dont la concurrence déloyale qui a entraîné une mévente de ses produits
sur le marché national, ainsi que la mauvaise gestion et la démotivation des
travailleurs, ne seront plus valables dans l'avenir à l'ombre des mesures de
soutien à la production nationale. Si on prend à leur juste mesure tous les
enjeux économiques présents et à venir, cette entreprise pourrait faire la
richesse de toute la région. Avec un élément humain qui reste au cœur de ce
défi. Est-il, ainsi, possible de relever le challenge quand des travailleurs
refusent de rejoindre leur poste en exigeant au préalable le départ du P-dg, alors même que l'entreprise est menacée de
disparition ? Dans cet état, on risque de se retrouver à se mordre la queue ou
l'éternel recommencement de l'erreur.