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Pour quel enseignement virtuel ?

par Abdelkrim Zerzouri

Il ne sert plus à rien de répéter que la rentrée universitaire sera exceptionnelle dans ce contexte de crise sanitaire due à la propagation du Covid-19, et il serait plus convenant de s'interroger si on s'est bien préparé pour affronter cette épreuve complexe qui consiste à garantir un cadre d'enseignement qualitatif pour les étudiants dans des conditions qui préserveraient leur santé et leur bien-être. L'université possède une petite expérience en la matière, ayant déjà mis en place un système adéquat pour parachever l'année universitaire 2019/2020, dans des «conditions acceptables» à travers la majorité des établissements universitaires, comme l'a souligné le ministre de l'Enseignement supérieur, permettant aux enseignants et aux étudiants une relative maîtrise des approches pédagogiques et le développement des plateformes d'enseignement à distance, ainsi que l'adoption de nouvelles méthodes d'évaluation et l'instauration d'une nouvelle communication basée sur l'image dans les relations pédagogiques entre enseignant et étudiant. Mais le même responsable avouera que certains paramètres, hors contrôle de l'université, constituent des obstacles parfois insurmontables. A commencer par la problématique du faible débit Internet, qui handicape gravement le bon déroulement de cette année universitaire particulière, qui combinera l'enseignement à distance avec le présentiel pour alléger la circulation à l'intérieur des universités et permettre, justement, l'application du protocole sanitaire, dont la distanciation physique.

Au mois d'août dernier, le président de la République avait demandé un rapport détaillé sur cette problématique du débit Internet, et on ne sait pas encore où sont les choses. Comment prétendre accéder à un mode d'enseignement à distance quand le pays se trouve classé parmi les cinq pires connexions au monde (sur 176 pays, l'Algérie occupe la 173e place avec une vitesse de 3.99 mbps) ? C'est tout simplement une aberration, selon des avis largement partagés. Bien évidemment, cette méthode d'enseignement virtuel est indispensable de nos jours, mais dans un environnement caractérisé par une «cassure numérique», on va sacrifier sur l'autel de l'expérimentation des milliers d'étudiants, en attendant d'atteindre une performance en matière de débit Internet et autres assimilations de cette méthode par les étudiants et les enseignants eux-mêmes, dont nombreux suivent des formations dans ce sens. Il n'est pas question de semer le doute, mais plutôt question de faire en sorte que cet enseignement virtuel ne tombe pas dans l'irréel. Et, on n'a pas encore parlé de la restauration, de l'hébergement et du transport des étudiants, qui figurent parmi les aspects les plus difficiles à gérer dans ce contexte épidémique. De toute évidence, l'enseignement en « semi-présentiel » atténuera logiquement la pression sur ces trois axes indissociables de la vie universitaire, mais c'est à ce niveau que le risque de contamination reste le plus élevé. Aussi, il ne faut pas omettre dans l'équation complexe d'autres variables qui inciteraient à se préparer à plusieurs scénarios, dont le traitement et la gestion de l'apparition de foyers épidémiques sur de petites et grandes échelles. Un grand défi pour l'université, qui devrait donner l'exemple du moins sur le plan de la discipline en matière de respect des mesures préventives de lutte contre la propagation du coronavirus.