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Repères perdus

par Abdelkrim Zerzouri

Y a-t-il un dérapage du Conseil de sécurité de l'ONU sur le dossier du Sahara occidental ? La résolution 2548 (2020) du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a décidé la prolongation d'une année du mandat de la Mission des Nations unies pour l'organisation du référendum au Sahara occidental (MINURSO), a tourné autour du sujet jusqu'à faire perdre les repères au conflit réel et ses principaux antagonistes. A travers cette résolution, on demande au Maroc et au Front Polisario, ainsi qu'à l'Algérie et à la Mauritanie de coopérer plus intensément les uns avec les autres, notamment en renforçant davantage la confiance, et avec l'Organisation des Nations unies, ainsi que de participer davantage au processus politique et de progresser sur la voie d'une solution politique.

Ainsi, la solution politique est clairement privilégiée aux dépens de la légalité internationale. Chose qui n'a pas été admise par l'Afrique du Sud, considérant qu'une telle résolution saperait le fondement du système international. Dans une explication sans détour, l'Afrique du Sud estime que la résolution en question, qui s'est permis de critiquer en termes à peines voilés la situation des droits de l'homme au Sahara occidental et dans les camps des refugiés, ne reflète pas les réalités actuelles sur le terrain concernant notamment la situation humanitaire, sécuritaire et politique au Sahara occidental occupé. L'Algérie, de son côté, a relevé avec regret que la résolution 2548 (2020), à l'instar de la résolution 2494 (2019), ne préconise aucune mesure concrète de nature à relancer le processus politique et favoriser la mise en œuvre complète et sans entrave du mandat de la MINURSO.

Rejetant dans le fond et la forme les termes de cette résolution, l'Algérie plaide pour des négociations directes, sans conditions préalables et de bonne foi, entre le Royaume du Maroc et le Front Polisario. Soulignant que l'avènement d'une solution politique juste, définitive et durable conformément à la légalité internationale, à la doctrine et à la pratique des Nations unies en matière de décolonisation ne passe pas par une coopération de quatre parties (Maroc, au Front Polisario, à l'Algérie et à la Mauritanie), comme le préconise le Conseil de sécurité à travers cette résolution, mais par des négociations directes entre les principaux antagonistes du conflit, en l'occurrence le Maroc et le Front Polisario.

Il est clair que cette propension à vouloir impliquer l'Algérie et la Mauritanie est une vision du Maroc, qui veut que l'Algérie, surtout, soit partie prenante dans les négociations et non comme pays observateur officiel du processus de paix. D'où la déduction que le lobbying marocain a fait son plein effet auprès des membres du Conseil de sécurité, qui ont adopté par 13 voix pour et deux abstentions (La Russie et l'Afrique du Sud) la résolution 2548 (2020), dont les termes n'ont, d'ailleurs, pas tari d'éloges à l'égard du Maroc, se félicitant de ses efforts sérieux et crédibles pour aller de l'avant vers un règlement du conflit. Certainement que cette résolution va attiser les tensions dans la région, puisqu'elle ne semble trouver qu'un seul pays, le Maroc, pour applaudir son contenu.