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Internet, la déprime du bac

par Abdelkrim Zerzouri

Le phénomène de la triche au bac qui occupait ces quatre dernières années les devants de l'actualité passe cette année au second plan, ou presque, vu l'attention exceptionnellement concentrée sur les conditions organisationnelles et mesures sanitaires préventives appliquées dans le cadre de la lutte contre la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19). Enfin, presque au second plan, car sans qu'on y force l'intérêt, la fraude au bac est dans toutes les discussions, dans tous les foyers, les moyens de transport, les entreprises, les administrations et les services. Malgré tout le battage médiatique qui l'a entouré, depuis le mois de juillet dernier, et qui l'entourera certainement tout au long de la semaine en cours, le protocole sanitaire spécial, portant mesures de prévention à mettre en place au sein des centres de déroulement des examens du baccalauréat session 2020, pèse moins que la triche au bac au sein de l'opinion. Une opinion focalisée sur le blocage des réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Whatsapp...), inaccessibles, par intermittence, dans tout le pays dès la première heure de la matinée du dimanche 13 septembre, premier jour de l'entame des épreuves du baccalauréat, qui s'étaleront jusqu'au 17 septembre.

Et si par le passé, le gouvernement parlait de ce blocage ou de coupure temporaire d'Internet, par le biais de communiqués officiels rendus publics par l'opérateur public Algérie Télécom, notamment en 2018, où des détails très précis sur les horaires de coupures ont été publiquement signalés aux internautes, surtout aux administrations et aux services dont le fonctionnement est intimement lié à l'accès à Internet, cette fois-ci, aucune information sur la coupure des réseaux sociaux n'a été donnée par les autorités, du moins durant ces deux premières journées des épreuves du bac. S'agit-il d'un hiatus ? Tout le monde en parle, y compris dans les comptes rendus de la presse étrangère, pourquoi alors le gouvernement ne communique-t-il pas au sujet de ce blocage des réseaux sociaux et du débit Internet à l'«escargot» tout au long de la journée, pénalisant dans ce sillage plusieurs branches d'activités, dans le secteur des services notamment, sans aucune explication ni aucun mot d'excuse ? Le recours systématique au blocage des réseaux sociaux comme solution contre la fraude ne devait pas être reproduit chaque année, depuis 2016, sans qu'on n'ait trouvé mieux, un autre moyen qui ne sanctionnerait pas tous les internautes, voire tout le pays sur le plan économique, pour lutter contre la triche à l'examen du bac.

La fraude high-tech demande, certes, des moyens perfectionnés, mais ce n'est pas du domaine de l'impossible si on y pense sérieusement. D'autres pays, puisque le phénomène de la triche aux examens n'est pas le propre de l'Algérie, sans mettre à mal Internet, ont actionné des moyens techniques accessibles pour lutter contre ce phénomène, à l'exemple des portails détecteurs de métaux, des brouilleurs d'ondes, des détecteurs permettant de révéler la présence de micros ou d'ondes wifi et autres dispositifs de vidéosurveillance. La réforme ou la réorganisation du bac fait également partie des pistes à emprunter pour éliminer la fraude. Mais cette piste, considérée comme la plus concluante en matière de lutte contre la triche, qu'on a commencé à défricher, justement, au lendemain de la fraude massive enregistrée au bac session 2016, qui a pris des proportions scandaleuse, a été abandonnée comme par lassitude face aux résistances au changement. Pourtant, en sus des efforts consentis dans le domaine de la prévention/sensibilisation et l'adoption de sanctions pénales pour des faits liés à la triche, il faudrait bien réfléchir à des solutions meilleures, dont cette réorganisation du bac, avec intégration de l'évaluation continue, qui devait normalement prendre effet durant l'année scolaire 2019/2020, ainsi que la réduction des jours des épreuves écrites, pour effacer ce cauchemar d'une semaine à passer avec les difficultés d'accès à Internet.