Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Consensus et abstention

par Abdelkrim Zerzouri

Le projet de révision de la Constitution entame à partir du 16 septembre une ultime phase qui sera consacrée aux débats publics, engageant la société civile, les associations, les personnalités, les experts, les partis agréés et toutes les franges de la société algérienne « pour les associer au processus référendaire ». Une ligne droite, dont le point d'arrivée, en l'occurrence le jour « J » du référendum, le 1er novembre, constitue autant un point de départ pour l'Algérie nouvelle.

Dans la foulée, durant un mois et demi, on devrait être fixé sur la nature du débat, voulu « le plus large possible » par les autorités. Assistera-t-on à des cours pédagogiques pour expliquer aux électeurs les principes du changement porté par le projet de révision de la Constitution ou le débat sera-t-il ouvert aux avis politiques contradictoires ? Un point de vue qui dessine l'avenir du pays, qui se veut un Etat de droit, respectant les libertés individuelles, collectives, la liberté d'expression et l'indépendance de la justice. Car, une nouvelle Constitution, aussi consensuelle soit-elle, devrait avoir ses opposants. Et, par principe démocratique, donc, ces derniers ne devraient pas être exclus du débat. L'objectif de la nouvelle Constitution étant «l'instauration d'un Etat moderne s'employant à servir le citoyen et à rétablir sa confiance, un Etat où la vie politique est régie par les principes de transparence, de régularité, de reddition de comptes et de compétence et qui sépare l'argent de la politique et lutte contre la corruption», comme l'a souligné le Premier ministre lors de la présentation mardi du projet de loi devant la commission des affaires juridiques de l'APN.

Il serait donc malvenu d'étouffer les voix de l'opposition à ce projet. Une opposition déjà exprimée par quelques partis politiques (FFS, RCD, FJD, HMS) qui ont boycotté la séance plénière du vote à l'APN, sans pour autant influer sur son issu, qui s'est conclue par un plébiscite du projet de révision de la Constitution. La mobilisation des médias dans les prochains jours autour de la nouvelle Constitution sera-t-elle, ainsi, à sens unique ou ouverte dans les deux sens, les « pour » et les « contre », avec une finalité aux électeurs de dire leur dernier mot le 1er novembre ? Jusque-là, le débat n'a pas été exclusivement ouvert aux voix s'exprimant en faveur de la nouvelle Constitution, mais également à ceux affichant leur opposition, et il serait très important de laisser ce « débat contradictoire » faire son chemin. C'est distinctement ce qui manquait le plus aux différentes Constitutions algériennes, passant de celle de 1963 qui a été suspendue en 1965, à la Constitution de 1976 révisée en 1979, 1980 et 1988, articulée à la Charte nationale du 5 juillet 1976, révisée en 1986, la Constitution de 1989, à celle de 1996, révisée en 2002, 2008 et 2016, qui ont été « imposées » sur mesures des présidents en fonction et qui n'ont jamais été prises au sérieux ni par la population ni par les pouvoirs successifs eux-mêmes. Une indifférence contre laquelle devrait s'orienter également le débat pour éviter une trop grande abstention des électeurs le jour « J » et faire perdre son caractère consensuel à la nouvelle Constitution. Parce que l'enjeu du consensus réel passe obligatoirement par une forte participation des électeurs au référendum, avec un résultat qui représenterait le choix de la majorité.