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Comment extraire l'Afrique à ses démons ?

par Abdelkrim Zerzouri

La paix et la sécurité en Afrique passent-elles par l'interdiction de la possession des armes à feu par les civils ? La question prend, par certains côtés, des dimensions philosophiques dans des pays qui se sont essayés à interdire la possession des armes par les civils, comme aux Etats-Unis, où la problématique a pris des dimensions de débat national, électoraliste, sans arriver à faire reculer les défenseurs de la possession des armes à feu. Une arme à feu ne sert pas uniquement ceux qui en font usage guerrier et criminel, mais cela sert également à un usage défensif contre les criminels. L'argument massue des adeptes des armes à feu bloque, ainsi, toute initiative visant à interdire ou à limiter la détention des armes à feu par les civils.

Dans le même esprit, l'Afrique s'essaie, ces trois dernières années, à collecter les armes à feu en détention illicite par des civils. Durant une courte période, le temps du mois de septembre, institué mois de l'amnistie en Afrique lors du 29e sommet de l'UA, tenu à Addis-Abeba en juillet 2017, qui revient cette année sous le slogan «Faire taire les armes : créer des conditions favorables au développement de l'Afrique». Cette année, on vise la collecte urgente des quelque 40 millions d'armes illicites, recensées en 2017, et qui se trouvent en possession des civils sur le continent. Durant tout le mois de septembre, quiconque rendrait volontairement son arme à feu bénéficierait de l'anonymat et de l'immunité de poursuite, notamment pour possession illégale d'arme à feu. Est-ce assez motivant pour inciter les concernés à se défaire volontairement de leurs armes à feu ?

Dans des pays où l'instabilité sociopolitique plane d'une manière quasi permanente, pour ne pas dire des violences meurtrières qui peuvent menacer les populations civiles isolées à tout moment, il est difficile de convaincre les gens de restituer leurs armes. C'est comme si on leur demandait de se rendre nu à leurs assaillants. L'UA, qui n'a pas vraiment tort de souligner que la possession illégale d'armes à feu par des acteurs, individus et groupes non étatiques, est l'un des facteurs contribuant à la violence armée qui continue de sévir en Afrique et parmi ses habitants, ne serait-elle pas mieux avisée d'axer les efforts, plus rentables, sur le respect de la démocratie dans l'accès au pouvoir, l'instauration de la justice sociale et des droits de l'homme ? Le retrait de ces armes illégales de la circulation et de l'utilisation est, certes, un pas important pour extraire le continent à ses démons, d'autant qu'il vise en réalité plus loin encore à mettre fin aux conflits et à ouvrir une nouvelle ère de paix et de développement, mais le véritable problème consisterait à œuvrer à la stabilité politique des pays africains en rendant à ses habitants les énormes richesses du continent, spoliées par des gouvernements installés aux commandes par la force et, souvent, à la solde de pays étrangers.