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Ces indices donnant à penser que les lignes bougent

par Kharroubi Habib

Gaïd Salah et le panel pour le dialogique drivé par Karim Younes ont été à nouveau copieusement vilipendés par certains carrés de manifestants lors des marches du 29e vendredi de mobilisation populaire au but de faire aboutir la revendication portée par le « Hirak » du départ de ce qui subsiste du système et de ceux qui en ont été les piliers et les défenseurs impénitents. Gaïd Salah a été pris à partie pour ses récentes déclarations dans lesquelles il a exprimé le rejet par l'institution militaire à laquelle il commande des préalables posés quasi unanimement par les composantes de la société algérienne à l'éventualité de l'ouverture du dialogue auquel le pouvoir a appelé en vue de permettre l'organisation de l'élection présidentielle selon des modalités et mécanismes qui en garantiraient la régularité, la propreté et la transparence.

Le panel a quant à lui été conspué pour s'être impliqué dans la démarche dialoguiste et d'y persister alors que l'homme fort du pouvoir a opposé un niet catégorique à ces préalables sans la satisfaction desquels, a-t-il affirmé, il mettrait fin à sa mission. En fin de cette semaine écoulée, des indices ont pourtant été semés qui permettent de présager que sur cette question des préalables le pouvoir de fait incarné par le chef d'état-major de l'ANP ne serait pas aussi inébranlable sur leur rejet.

Il y a eu d'abord cet optimisme affiché par Karim Younes et l'instance qu'il coordonne sur le fait que le pouvoir pourrait être amené à réviser sa position sur le sujet malgré l'apparente rigidité de celle de son homme fort. Leur optimisme semble avoir eu quelque raison d'être après l'étonnant verdict rendu par le tribunal de Annaba dans l'affaire du manifestant incarcéré pour avoir brandi l'emblème amazigh. Ce verdict a été l'acquittement pur et simple du prévenu alors que le procureur auprès du tribunal avait requis contre lui la réclusion pour dix ans.

Ce dénouement s'interprète comme exprimant la volonté du pouvoir de prodiguer des actes d'apaisement dont celui de l'élargissement des prisonniers pour délit d'opinion qui comme le citoyen de Annaba sont présentés comme tels par le mouvement populaire, une partie de la classe politique et par le panel pour le dialogue lui-même et qui constitue l'un des préalables rejetés par Gaïd Salah. Pour aussi indépendante que puisse être devenue la justice dans le sillage de la révolution tranquille qui a mis à bas le régime autocratique et antinomique de l'Etat de droit, l'heureuse issue du procès de Annaba n'aurait pas eu lieu sans un signe approbatif venu d'en haut.

L'autre indice qui milite en faveur de la perspective d'une évolution positive de la position du pouvoir sur la question des préalables est que dans son intervention de jeudi devant le commandement et l'encadrement de la Première Région militaire, le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major a tenu des propos élogieux à l'endroit du panel drivé par Karim Younes et de celui de sa démarche alors que ce dernier maintient pour la poursuite de sa médiation les préalables dont il a rejeté la prise en compte lors de sa précédente allocution et lui avait même fait grief d'être influencé en la matière par les franges radicalistes du mouvement populaire « roulant » selon lui dans cette crise politique que vit la nation pour des agendas étrangers anti-algériens.

Gaïd Salah ne semble pas près de changer le cap s'agissant du dialogue auquel il n'assigne pour objectif que la tenue dans les plus brefs délais, mais avoir pris conscience qu'en s'arc-boutant sur le rejet des préalables mis à son acceptation par une majorité des acteurs politiques et sociétaux, il en détournerait ces derniers. Tout acquis qu'ils sont à la démarche dialoguiste, ces acteurs de la crise ne peuvent rendre les armes sur la question des préalables qu'ils savent non négociables pour le mouvement populaire. Et celui-ci n'entendant rien céder sur cette question n'est pas près d'absoudre l'éventuel revirement qu'ils pourront opérer en faisant valoir qu'il leur est dicté par la dangerosité que revêt pour le pays la crise politique dans laquelle il est plongé.