Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Volonté politique ou effet de mode

par Moncef Wafi

En évoquant de «lourds» et «dangereux» dossiers de corruption traités par la justice, le chef d'état-major braque la lumière sur l'un des fléaux les plus répandus parmi l'administration Bouteflika. La corruption généralisée à tous les niveaux des prises de décision a irrémédiablement plombé la relance de l'économie nationale offrant du pays l'image caricaturale d'une république bananière à l'abandon. Croire que cette campagne mains propres lancée après le 22 février est suffisante pour extirper ce fléau du monde des affaires est naïf à plus d'un titre.

En effet, il est indéniable que l'action judiciaire soit accompagnée et protégée par une volonté politique inébranlable de lutte contre la corruption, loin des slogans creux brandis au fronton de la République. Ce n'est pas l'absence d'organes chargés de lutter contre la corruption qui a favorisé l'émergence des dessous-de-table et des commissions occultes, mais l'impunité généralisée autour des anciens responsables politiques et leurs hommes de paille qui est responsable de cette situation.

A ce titre, le fait de retrouver deux ex-Premiers ministres devant la justice n'est pas fortuit et les révélations du président de la Cour des comptes sur la non publication des rapports de l'institution depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir ne font que confirmer ce parapluie politique offert à une oligarchie rampante qui a infiltré tous les étages du pouvoir.

A ce propos, Gaïd Salah a précisé que la corruption s'appuie sur des réseaux politiques, financiers et médiatiques «ainsi que de nombreux lobbies infiltrés au sein des institutions du pays». Des déclarations lourdes de sens qui mettent en accusation de hauts responsables du pays et cette offensive contre «les têtes de la bande» n'est pas sans rappeler l'initiative de l'éphémère Premier ministre Tebboune qui avait créé une inspection générale auprès de ses services. L'homme savait pertinemment qu'en contrôlant les finances publiques et en conférant davantage de transparence au financement et à la réalisation des projets publics, il barrait la route à une faune de prédateurs en col blanc qui avait infiltré les rouages de l'Etat.

Cette inspection n'avait rien d'un organe de lutte contre la corruption parce que Tebboune n'était pas instruit de faire la chasse aux corrupteurs de tous grades mais de renflouer les caisses de l'Etat et récupérer les dizaines de milliards de dollars qui se trouvent toujours dans la nature, crédits alloués à certains opérateurs économiques tout-puissants. Ces marchés publics, qui ont fait les fortunes de quelques hommes de paille du pouvoir, sont devenus le centre des enjeux parce que seules sources d'argent qui restent dans un pays qui continue à couler dangereusement.