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Le casse-tête libyen

par Moncef Wafi

Au-delà de tous les discours sur le dossier, la Libye ne res te, pour le moins aux yeux des Occidentaux, qu'un enjeu économique et sécuritaire. Pour les Etats-Unis d'Amérique, la stabilité libyenne n'est nécessaire que pour reprendre la production du pétrole. Pour les Européens, c'est une donne primordiale pour endiguer le flux migratoire vers ses terres.

La stabilité de la Libye est par contre une question de la plus haute importance pour la sécurité des frontières algériennes et, partant, de la région du Maghreb et du Sahel.

La dernière rencontre entre le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, et le représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU et chef de la Mission d'Appui des Nations unies en Libye (MANUL), Ghassan Salamé, lundi dernier, a notamment soulevé cet aspect du dossier. Les deux parties ont convenu que la sortie de crise doit prendre le chemin de la mise en œuvre du plan de règlement onusien qui prévoit des élections en Libye.

Pourtant, les choses ne sont pas aussi simples qu'il n'y parait malgré les discours optimistes des uns et des autres. La rivalité entre le Premier ministre du gouvernement d'union nationale, Fayez al-Sarraj, et le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est du pays, pèsent considérablement dans la balance des intérêts, chacun soutenu par des puissances étrangères qui essayent de se placer. Si on annonce la tenue d'une conférence nationale en début de cette année, prélude à des élections législatives afin d'élire les 200 membres de la Chambre des représentants ainsi que d'une élection présidentielle organisée le même jour, le fiasco de la Conférence de Palerme de novembre dernier a de quoi rafraîchir les ardeurs les plus optimistes.

Annoncée en grande pompe, la grande Conférence sur la Libye avait fait pschitt, cristallisant tensions et rivalités. Outre l'absence des présidents russe, américain, allemand et français, les Turcs avaient quitté précipitamment le rendez-vous ainsi que Haftar. L'échec même du plan de Paris, qui a vu Macron forcer la main aux quatre hommes forts de Libye dont le président de la Chambre des représentants, Aguila Salah, et celui du Conseil d'Etat, Khaled al-Mechri, et annoncer des élections pour le 10 décembre 2018, est une preuve supplémentaire de la complexité du cas libyen dont la solution est loin d'être inclusive comme le veut l'Algérie.

Le retour des Américains sur ce dossier a été acté avec la nomination, le 2 juillet dernier, de Stéphanie Williams comme représentante spéciale adjointe à Ghassan Salamé pour les affaires politiques en Libye. Un poste qui n'a jamais existé alors que pour la presse américaine, ce poste fait suite à l'intervention directe de Donald Trump auprès du secrétaire général de l'ONU. Un forcing qui en dit long sur les prochains événements régionaux et la volonté américaine d'imposer la stabilité au prix de deals dont on ne connaît pas encore la teneur, juste pour contrer l'augmentation des prix du baril avec la mise sous quarantaine de l'Iran.