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Des doutes justifiés

par Kharroubi Habib

A vienne avant-hier vendredi, Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, a rencontré pour la première fois depuis que les Etats-Unis se sont désengagés de l'accord sur le nucléaire ses homologues des cinq puissances restant parties à cet accord (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie) qui lui ont renouvelé l'attachement de leurs pays respectifs à la poursuite de l'application du dit accord. Les cinq lui ont même prodigué l'assurance qu'ils plaideront le droit de son pays à exporter son gaz et son pétrole en dépit que les Etats-Unis ont demandé à tous les pays d'arrêter complètement leurs importations de pétrole d'Iran d'ici le 4 novembre.

En se désolidarisant de l'attitude agressive américaine à l'encontre de l'Iran qu'elles savent avoir respecté strictement les obligations qui sont les siennes dans l'accord de 2015, les cinq puissances lui procurent un incontestable et fort soutien diplomatique qui lui sera fort utile pour contrer la stratégie de l'isolement international que Washington s'emploie à développer contre lui. Mais pour aussi appréciable que soit ce soutien, il restera purement dans le registre de l'affirmation d'un principe de droit si les cinq puissances en question en viendront par impuissance face à la sommation américaine à reconsidérer leurs relations économiques avec l'Iran. Javad Zarif qui a estimé certes significatif le soutien que lui ont exprimé ses cinq homologues leur a néanmoins précisé que son pays attend de voir à l'avenir s'il y a une différence entre ce que leurs pays «veulent véritablement faire et ce qu'ils pourront faire».

Ce qui en termes clairs signifie que Téhéran entretient le doute sur la détermination des cinq à passer outre l'injonction américaine au risque d'encourir les sanctions brandies par Donald Trump. Ce qui se justifie au regard du désengagement en Iran auquel procèdent déjà leurs propres entreprises qui dénote que celles-ci ont peu de confiance en les capacités de leurs Etats à les prémunir de ces sanctions américaines. Il ne fait pas de doute que pour dissuader les cinq d'afficher un soutien autre que de principe et diplomatique à l'égard de l'Iran, Donald Trump va accentuer sur eux la pression en durcissant la guerre économique qu'il a entreprise contre eux au prétexte que l'intérêt national de l'Amérique l'exige. La «réalpolitique» pour laquelle ils opteront finalement ne plaide pas de leur point de vue pour la confrontation ouverte avec l'Amérique qui dispose contre eux d'arguments contraignants.

Cependant le moins qu'ils puissent faire c'est de continuer à soutenir qu'en cette affaire de l'accord sur le nucléaire, ce n'est pas l'Iran mais les Etats-Unis qui ont transgressé le droit international et les règles de conduite qui régissent les relations internationales et à ne pas s'engager avec eux dans l'agression qu'ils méditent contre ce pays au prétexte qu'il n'aurait pas respecté ses engagements sur le nucléaire. Les trois puissances européennes qui étaient représentées à Vienne auront-elles ce «courage à minima» ? Leur extrême dépendance tant économique que militaire à l'égard de l'Amérique n'autorise pas à les croire capables d'en faire la démonstration.