Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une réhabilitation problématique

par Moncef Wafi

Retour de Ali Benhadj au-devant de l'actualité, des informations autour de bastonnade de non-jeûneurs, mort d'homme à cause de non-respect du jeûne, agression d'une femme faisant du sport avant la rupture du jeûne? les nouvelles sur une recrudescence des actes d'intolérance envahissent les réseaux sociaux sans que les autorités concernées ne viennent les confirmer, les commenter ou les démentir. L'annonce même du numéro deux de l'ex-FIS, sur son compte Facebook, sur l'autorisation qu'il aurait reçue de qui de droit à prononcer des prêches dans les mosquées pose un sérieux problème. De l'annonce à l'acte, il n'en fallut pas beaucoup de temps puisque Belhadj a prononcé un premier prêche dans une mosquée de la commune de Kouba, vendredi dernier. En 2015, les autorités lui ont signifié une interdiction de prendre la parole dans les mosquées. En janvier 2017, il a été prononcé à son encontre une interdiction de quitter le territoire de la wilaya d'Alger et de prendre part à toute sorte d'événement public y compris les enterrements et fêtes de mariage. C'est dire, et la question légitime à se poser est qu'est-ce qui s'est passé entre-temps ? Pourquoi ce revirement à 180° ? Si l'intolérance religieuse a de tout temps été un acte « citoyen », encouragé malgré tout par le sentiment d'impunité éprouvé par ses auteurs, il n'en demeure pas moins que la réhabilitation de Belhadj, l'un des symboles (dans le mauvais terme s'entend) de la décennie noire est une décision politique. Sinon comment expliquer autrement ce retour en grâce alors que les libertés individuelles et d'expression sont de plus en plus réprimées en Algérie. Ce retour aux affaires de celui qui a passé 12 ans de prison, entre 1994 et 2006, s'inscrit dans cette logique de terreur qu'officie le système pour laisser planer la menace d'un retour de l'intégrisme islamiste au cas où il venait à disparaître comme le demande des forces démocratiques du pays. « Les islamistes ou nous », un slogan brandi à chaque fois que le pouvoir est ébranlé par une série de scandales qui font bouger la société civile. Cette réhabilitation, si elle se confirme encore une fois, ressemble à s'y méprendre à la diffusion sur la télévision publique de documentaires sur la décennie noire avec photos insupportables des massacres, moyen de pression sur les Algériens au plus fort de la mobilisation contre la politique de l'Etat. Belhadj n'est pas seul dans cette configuration puisque, avant lui, d'autres noms liés intimement à l'ex-Fis ont été rétablis dans leurs droits et reçus, en notables, jusque dans les hautes sphères de la République. De là à un retour des hommes de Abassi Madani à la politique, il n'y a qu'un pas à franchir et, apparemment, il l'a été depuis longtemps.