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Confirmation d'un deal sur les frappes occidentales en Syrie

par Kharroubi Habib

Avant même que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France n'entreprennent d'attaquer en Syrie avant-hier soir, nous avions écrit qu'ils le feront inéluctablement pour la raison que leurs dirigeants ayant soutenu qu'ils ont la preuve que le régime syrien a fait usage d'armes chimiques à Douma et affirmé à leurs opinions publiques qu'ils le puniront pour cela, il leur est devenu impossible de ne pas agir militairement contre lui. Mais nous avions aussi avancé qu'étant conscients que leur opération «punitive» risquait de les mettre en confrontation avec la Russie, il est probable qu'ils ont pris la précaution de conclure secrètement un deal avec Vladimir Poutine offrant aux deux parties de ne pas perdre la face.

La réalité de ce deal a été confirmée par ce que le trio occidental a entrepris militairement en Syrie avant-hier et l'attitude observée par la Russie face à leur entreprise. Annoncée par Donald Trump comme allant être massive et destinée à casser irrémédiablement le potentiel militaire du régime syrien, l'opération «punitive» combinée des trois puissances occidentales a été à peine plus intense que celle menée il y a quelques mois par l'armée américaine sur une base militaire syrienne au même prétexte d'utilisation d'armes chimiques par les forces gouvernementales.

Au regard des gesticulations et de la théorique guerrière qui ont précédé les frappes d'avant-hier, la modestie de l'ampleur qu'elles ont eue n'a pour explication qu'un accord tacite entre Occidentaux et Russes sur l'intensité qu'allait avoir l'opération «punitive» des premiers et les cibles qu'elle viserait. Les Russes qui ont menacé de répliquer à toute attaque occidentale en Syrie n'ont pas mis à exécution leur menace parce qu'ils ont à l'évidence acquiescé à un deal qui leur a donné l'assurance que les frappes occidentales ne créeront pas une situation ingérable pour l'allié syrien et ne viseront pas le dispositif militaire russe déployé en Syrie.

Les médias occidentaux ont beau claironner que les attaques aéronavales combinées américano-anglaises et françaises ont été couronnées de «succès» et auraient eu pour effet de convaincre la Russie et l'Iran l'autre allié du régime syrien de la détermination occidentale à contrer militairement leurs menées en Syrie, c'est un tout autre enseignement qui se dégage de ce qu'elles ont été et de leur résultat. Il apparaît clairement qu'elles n'ont été qu'une opération visant à entretenir l'illusion que l'Occident est encore en capacité de retourner le cours du conflit syrien dans lequel de l'avis de tous les experts il a été mis en échec par le régime et ses alliés. Quant à ses résultats et de l'avis même des stratèges militaires occidentaux, ils n'auront aucun impact sur la configuration du rapport de force tel que s'étant instauré sur le terrain par les succès militaires et conséquemment territoriaux remportés par les forces loyalistes syriennes avec le soutien de leurs alliés russo-iraniens.

C'est à l'aune de cet enseignement qu'il faut faire lecture de la retenue qui transparaît dans les réactions de Moscou et de Téhéran suite aux attaques occidentales. Les deux camps impliqués dans la crise syrienne ont incontestablement volonté de ne pas pousser plus loin leur confrontation et de la maintenir uniquement au niveau de passes d'armes diplomatiques et médiatiques. L'Occident ayant « sauvé la face » en procédant à des attaques pour lesquelles il a obtenu qu'elles ne donnent pas lieu à des répliques constituant un « casus belli » qui enclencherait l'escalade militaire, il ne peut plus s'entêter dans la rhétorique belliqueuse qui est la sienne depuis le début du conflit et va devoir se résoudre à explorer avec ses compétiteurs la voie d'une solution politique à celui-ci. Cela d'autant qu'il sait qu'il n'y aura pas un autre deal s'il s'avise de recommencer à frapper en Syrie.