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L'erratique Trump pris au piège de ses miteux calculs

par Kharroubi Habib

Ce qui a fait se précipiter Donald Trump à annoncer au monde que l'Amérique a décidé d'exercer des « représailles » militaires contre le régime de Bachar Al Assad, coupable selon la rhétorique occidentale d'avoir fait usage d'armes chimiques à Douma, est probablement la conviction qu'il aurait eue que la Russie ne prendra pas le risque d'une confrontation avec les Etats-Unis en répliquant aux frappes américaines. Son postulat sur l'attitude russe s'étant avéré erroné au vu des fermes mises en garde qui ont émané de Moscou contre cette illusion, l'erratique président américain offre au monde le spectacle d'un chef d'Etat en proie à l'irrésolution et qui dit une chose et son contraire.

Il est clair cependant que Donald Trump est empêtré dans une situation dont seul pourtant Vladimir Poutine qu'il agonit dans ses tweets est paradoxalement en mesure de l'en extraire sans le faire apparaître avoir fait une « reculade » préjudiciable au statut de plus grande puissance mondiale qui est celui des Etats-Unis. Après avoir annoncé avec fracas et arrogance l'imminence de frappes américaines en Syrie, Trump temporise à en donner l'ordre de lancement au Pentagone. Son attitude ne lui est pas dictée par l'impératif de donner le temps à l'armée américaine de faire ses préparatifs que cette opération nécessite, mais en raison qu'il est en négociation secrète avec son homologue russe pour tenter de s'entendre sur un deal qui éviterait à la crise russo-américaine en Syrie de dégénérer en conflit armé entre les deux pays dont les prolongements risqueraient d'échapper au contrôle de la Maison Blanche et du Kremlin.

Ce deal consisterait pour l'Amérique à ne pas revenir sur la décision de Trump de « punir » le régime syrien mais en calibrant les frappes prévues pour qu'elles n'occasionnent pas à celui-ci des pertes et des dégâts qui l'affaibliront notablement et pour la Russie à ne pas entreprendre une réplique aux résultats militaires insupportables pour le prestige de la plus grande puissance du monde et pour son opinion nationale. En somme, ce que Donald Trump essaie secrètement d'obtenir de Vladimir Poutine c'est une porte de sortie qui donnerait l'apparence que l'Amérique est à même de faire ce qu'elle dit et que la Russie fait preuve de pragmatisme en ne recherchant pas la confrontation avec elle.

Il est d'autant en recherche d'une telle issue à la crise russo-américaine qu'il sait avoir fomenté celle-ci non pas à la considération que la cause invoquée par lui lui a fait obligation de ne pas l'éviter mais parce qu'il s'est résolu à la provoquer pour faire diversion à l'accusation dont il est la cible en Amérique d'avoir été élu grâce à l'ingérence de la Russie dans le processus de l'élection présidentielle états-unienne et qu'il serait de ce fait au chantage par le Kremlin. L'accusation a pris une telle ampleur qu'elle pourrait donner lieu à la procédure « d'impeachment » que réclame contre lui une grande partie de l'establishment américain. En exacerbant la tension dans le conflit syrien sur fond de risque d'un affrontement russo-américain, Donald Trump a pensé faire coup double : primo créer l'illusion au plan international que l'Amérique reste la plus grande puissance mondiale capable d'agir partout comme elle l'entend et secundo qu'il est nullement en connivence et encore moins sous la coupe du Kremlin comme le prétendent ses détracteurs.

En s'étant imposé comme l'interlocuteur incontournable avec qui le chef de la plus grande puissance mondiale est contraint de négocier, l'impassible Vladimir Poutine a incontestablement atteint l'objectif qu'il a visé inlassablement depuis qu'il est arrivé au pouvoir en Russie. Celui de redonner à son pays la place d'Etat qui a son mot à dire sur la conduite des affaires mondiales et sachant faire entendre qu'il exige le respect de ses intérêts géopolitiques.