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Retenue responsable à Alger, gesticulations irréfléchies à Rabat

par Kharroubi Habib

Peu avant que le secrétaire général de l'ONU rende public le rapport sur le Sahara occidental qu'il destine au Conseil de sécurité, le roi Mohamed VI lui a fait transmettre par son ministre des Affaires étrangères un message dont le ton vindicatif a été révélateur de la panique suscitée chez lui par les échos ayant fait état que ce rapport allait mettre sur la sellette le Royaume notamment sur les faits qu'il fait obstacle à la reprise du processus de négociations entre Marocains et Sahraouis sous l'égide des Nations unies et sur la violation des droits de l'homme à laquelle donne lieu l'occupation marocaine du territoire sahraoui.

Par ce message, Mohamed VI a tenté d'exercer une ultime pression sur le secrétaire général de l'ONU en vue de le dissuader de formuler des considérations qui mettraient à mal le Royaume sur ces deux sujets. La lecture de l'attendu rapport révèle qu'Antonio Guterres n'a guère été impressionné par le message royal malgré le chantage qui en émanait formulé par son auteur, sous-entendant que le Maroc est prêt à embraser la région au cas où il lui apparaîtrait que le dit rapport contiendrait des aspects à charge contre lui. Un chantage que le monarque alaouite a fait précéder dans son message par une présentation alarmiste d'une situation prétendument être un « casus belli » fomenté par le Polisario auquel Rabat n'aurait d'autre alternative que d'y répondre si le rapport onusien montre un quelconque penchant favorable à la position défendue par ce mouvement indépendantiste.

Toute précaution diplomatique mise de côté, le roi du Maroc s'en est pris avec virulence à l'Algérie pour ensuite sommer le secrétaire général de l'ONU de la nommer dans son rapport comme étant la partie ayant suscité le conflit du Sahara occidental et qu'elle doit de ce fait être l'interlocuteur du Maroc dans le processus de négociations que son envoyé spécial cherche à relancer.

Antonio Guterres n'a nullement suivi le monarque dans son intention d'impliquer de cette façon l'Algérie, ni évacué de son rapport les allusions à la violation des droits de l'homme dont le Maroc est coupable au Sahara occidental. Les autorités algériennes qui ont fait preuve d'une retenue responsable devant la campagne diplomatico-médiatique marocaine mettant en cause la responsabilité de l'Algérie dans la non résolution du conflit ont réagi à la publication du rapport de Guterres en faisant savoir qu'elles ont pris acte avec satisfaction de son contenu et profité de la circonstance pour rappeler en toute sérénité les fondamentaux de la position algérienne sur ce conflit. La satisfaction de l'Algérie n'est pas feinte car le rapport du secrétaire général n'a pas accordé satisfaction à l'obsédante et délirante revendication du Palais royal et du Makhzen ayant consisté en la demande d'implication directe de l'Algérie dans le processus de négociations au Sahara occidental.

Du côté marocain, c'est par contre la consternation qui s'est exprimée à la lecture de ce même rapport. Cela ressort des lectures qu'en ont fait les médias du Makhzen qui s'en sont pris au secrétaire général de l'ONU en l'accusant d'avoir rédigé son rapport sous l'influence de son envoyé spécial pour le Sahara occidental qui pour avoir élargi ses consultations sur le dossier dont il est en charge est devenu leur cible à abattre comme l'ont été ses prédécesseurs au motif qu'il a fait la part belle à des parties ayant des positions favorables à la cause du Polisario et donc attentatoires à l'intégrité territoriale du Royaume. Le prochain round diplomatique entre le Maroc et le Polisario aura pour cadre courant de ce mois d'avril le Conseil de sécurité des Nations unies qui aura à se déterminer sur le rapport de Guterres et à se prononcer sur les suites à lui donner.