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Un carnage délibérément et froidement exécuté

par Kharroubi Habib

Délibérément, froidement, la soldatesque israélienne «cartonne» les manifestants palestiniens qui participent à la «marche du retour» et lui font face les mains nues à la frontière séparant leur vaste prison à ciel ouvert qu'est la bande de Ghaza du territoire de l'Etat sioniste. Au deuxième jour de ce face-à-face, le bilan des victimes côté manifestants démontre par son ampleur que l'armée israélienne s'emploie à briser la marche en commettant un bain de sang qui dissuaderait ses participants de la poursuivre.

En ces deux journées, il a été dénombré une vingtaine de tués et plus d'un millier de blessés dans les rangs des manifestants palestiniens. Le massacre est planifié comme l'atteste le déploiement opéré de l'armée israélienne dont les effectifs ont été doublés à la frontière avec la bande de Ghaza et le positionnement d'une centaine de ses tireurs d'élite à qui ordre a été donné d'abattre tout ce qui bouge du côté palestinien. L'armée sioniste ne fait plus seulement un usage « excessif » de la force contre les Palestiniens. Elle a reçu ordre de faire un carnage. Elle s'y emploie méthodiquement sans se soucier que le monde entier est témoin en direct de sa barbarie.

Pourquoi cette armée si « humaine » et mue par des « valeurs » qui en feraient la plus exemplaire de la planète se retiendrait et userait d'une autre méthode pour faire avorter la « marche du retour » des Palestiniens ? Aucune raison ne l'y oblige et certainement pas l'indignation que suscite sa criminelle répression de la marche dans l'opinion internationale. Peu chaut à cette armée et à ceux qui la commandent cette indignation internationale du moment qu'ils ont l'approbation tacite des dirigeants politiques mondiaux dont l'attitude compte seule pour eux. Et ces dirigeants qui sont américains et européens n'ont pas élevé la voix ne serait-ce que pour leur recommander de la retenue dans la répression des marcheurs palestiniens.

Ces mêmes dirigeants occidentaux s'enfièvrent pourtant et tapent sur la table quand ailleurs dans le monde des Etats emploient de façon quelque peu démesurée la force pour disperser des manifestations populaires de protestation. Ils détournent leurs yeux de ce qui se passe à la frontière entre Israël et la bande de Ghaza parce qu'ils sont tout aussi effrayés que les autorités israéliennes par les conséquences qu'aurait l'aboutissement voulu de leur marche du retour par les Palestiniens qui est la fin symbolique des frontières à l'intérieur desquelles ils sont inhumainement confinés et du blocus infâme auquel ils sont soumis.

Cette intifada pacifique mais impliquant toute la population ghazaouie leur démontre que les Palestiniens ne sont pas dans la résignation où ils les pensaient être tombés et les auraient rendus prêts à accepter de renoncer à leur revendication d'un Etat national et de faire silence sur leur droit au retour et à la récupération de ce dont ils ont été spoliés. Ces dirigeants américains et européens ne feront pas plus que « conseiller » aux Palestiniens d'arrêter leur intifada populaire qu'ils se sont empressés à vouloir la ternir en imputant son initiative et son instrumentalisation au Hamas et autres factions islamistes palestiniennes.

En leur for intérieur, ils en sont à espérer que la brutale et sanglante répression à laquelle s'adonne l'armée sioniste y mette un terme et qu'elle convaincra les Palestiniens de « l'inutilité » de leur résistance au sort que leur monde « civilisé » leur a fixé. Occupé, soumis à l'atroce condition d'être étranger dans son pays et abandonné de presque tous, le peuple palestinien n'en finira pas pourtant de démontrer qu'il existe et qu'il ne cèdera jamais à la peur et à la résignation.