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Pour avoir consulté l'UA, Köhler déplaît au Maroc

par Kharroubi Habib

En recevant avant-hier à Lisbonne le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita et la délégation qui l'accompagnait, l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental Köhler a clos le cycle de consultations sur le dossier du Sahara occidental qu'il a inauguré en recevant les représentants de l'Union européenne et de l'Union africaine, puis successivement ceux du Front Polisario, de la Mauritanie et de l'Algérie. Il dispose désormais d'une vision précise des positionnements des uns et des autres sur la problématique de la relance du processus de négociations en vue de la résolution du conflit sahraoui pour laquelle mandat lui a été donné par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Le Maroc a d'emblée manifesté plus que de la réserve à la démarche adoptée par Horst Köhler ayant consisté à élargir ses consultations à des représentants de l'Union européenne et de l'Union africaine au prétexte que l'initiative tendrait à sortir le dossier du Sahara occidental de son cadre onusien. Ce n'est pas tant la consultation des représentants de l'Union européenne qui a provoqué l'ire des autorités marocaines mais celle plutôt de l'Union africaine dont la position tranchée sur le conflit sahraoui et la solution à mettre en œuvre pour le régler va à l'encontre de ce que le Maroc défend et préconise sur le sujet.

Bien qu'il a réintégré l'organisation panafricaine, le Maroc lui dénie néanmoins tout rôle et contribution pour le règlement du conflit sahraoui alors qu'elle est concernée au premier chef du moment qu'il concerne un territoire africain dont la population est privée de son droit internationalement reconnu à l'autodétermination. La longueur remarquée qu'a eue l'entretien à Lisbonne entre l'envoyé spécial onusien et la délégation marocaine est le signe que les deux parties ont dû diverger sur nombre de points dont celui du format qu'aurait l'éventuelle relance des négociations.

En ramenant dans ses bagages des personnages présentés comme des investis de la confiance de la population sahraouie car ayant été censément « démocratiquement » élus par elle, Nasser Bourita a probablement cherché à forcer la main à l'envoyé spécial de l'ONU pour qu'il convienne que le Front Polisario dont l'Union africaine défend la position et les revendications n'est pas l'unique représentant des Sahraouis. Et cela même après qu'il ait reçu en tant que telle sa délégation de négociateurs.

En fait, la partie marocaine agit à l'égard de Horst Köhler comme elle l'a fait avec ses prédécesseurs. Dans un premier temps elle fait mine d'être prête aux rencontres avec lui qui détient son mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, mais résolue à mettre en doute sa probité et son impartialité à la moindre de ses initiatives qui iraient à l'encontre des « principes et fondamentaux de la position marocaine » dont celui par lequel il est prétendu par Rabat que la relance des négociations n'aurait pour raison que la « confirmation de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara » et pour résultat « une autonomie » accordée dans ce cadre à ce territoire occupé.

Les consultations que Köhler a eues avec ses interlocuteurs autres que la délégation marocaine n'ont probablement pas convergé en faveur de la prétention marocaine. Sauf à opter sciemment pour celle-ci en raison d'intérêts qui lui dicteraient sa position, l'envoyé spécial de l'ONU ne peut que s'en tenir aux résolutions de l'organisation qu'il représente et qui stipulent que la solution au conflit sahraoui passe par des négociations bilatérales directes entre le Maroc et le seul Polisario et la consultation du peuple sahraoui sur leurs résultats. Ce que prône et défend également l'Union africaine que le Maroc veut maintenir à l'écart du dossier sahraoui.