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Rien de bon pour le Yémen dans les plans de pouvoir de M. Ben Salman

par Kharroubi Habib

Au Yémen, le pouvoir légal représenté par le président en exil Hadi et le gouvernement qu'il a nommé a pratiquement perdu toute autorité dans le pays et les quelques forces loyalistes dont il dispose encore sont acculées de toutes parts malgré l'appui que leur fournissent la coalition arabe menée par Ryadh et les contingents militaires saoudiens et émiratis opérant au sol à leurs côtés. Au Nord, elles sont tenues en échec par la rébellion houthie et mises dans l'incapacité de reprendre le contrôle de la région et encore moins de la capitale Sanaa. Dans le Sud où ce pouvoir s'est replié et a fait de sa métropole Aden le siège du gouvernement légal, la situation n'est guère reluisante pour ses partisans qui sont là aussi confrontés à une rébellion acquise à la faction politique prônant la sécession de cette partie du pays. Les sécessionnistes ont en effet pris le dessus sur eux en réduisant le territoire sous leur contrôle au seul quartier d'Aden abritant l'administration gouvernementale qui bénéficie d'une protection militaire assurée par les Saoudiens et les Emiratis.

Que la situation en soit arrivée là pour le président Hadi et le pouvoir légal qu'il représente est la preuve irréfutable de l'échec de l'intervention militaire entreprise par les pétromonarchies visant à leur faire reprendre le contrôle du pays. Cet échec patent éclabousse incontestablement le prince héritier Mohamed Ben Salman, l'homme fort de la monarchie wahhabite qui a décidé cette intervention au Yémen. Devant ce résultat désastreux pour le pouvoir légal yéménite mais surtout pour son pays qui se retrouve dans un bourbier qui risque de générer des conséquences déstabilisatrices à l'intérieur même du royaume wahhabite, le prince hériter a pensé pouvoir parvenir à retourner la situation militaire au Yémen au profit de l'armée saoudienne en procédant la semaine dernière à une brutale et vaste purge dans ses rangs au sein de ses plus hauts commandements.

En fait, Mohamed Ben Salman est dans la stratégie de confortement de son pouvoir absolu sur les institutions de la monarchie saoudienne consistant à expurger celles-ci de tous les potentiels contestataires contre son ambition. Parmi lesquels ceux qu'il soupçonne d'en être dans le haut commandement militaire. Ceux-ci ont été limogés au motif tout trouvé qu'ils sont responsables des pitoyables résultats enregistrés au Yémen par l'armée sous leur commandement en dépit des grands moyens militaires dont elle dispose.

Le malheur pour le pauvre peuple yéménite qui subit une guerre qui lui occasionne la pire catastrophe à tous points de vue est que la purge opérée par Mohamed Ben Salman ne préfigure pas de sa part une intention de mettre fin à l'ingérence saoudienne au Yémen. Elle présage plutôt que l'homme fort de la monarchie wahhabite entend accentuer cette ingérence en confiant son aspect militaire à des officiers dont il n'aurait plus à craindre qu'ils en viendront à remettre en cause la radicalité de ses positions dans le conflit yéménite. Dans l'esprit de Ben Salman il y a eu probablement la conviction que le remaniement opéré dans les hauts commandements de l'armée saoudienne se traduira par la séquence d'un « dernier quart d'heure » dans la guerre au Yémen qui va se conclure par la reprise de contrôle du pays par le pouvoir légal au secours duquel elle a été envoyée. Une conviction qu'il pense faire partager aux puissances occidentales dont l'appui diplomatique et militaire est indispensable pour Ryadh et constituant la raison des visites officielles dans leurs capitales qu'il a inscrites dans son carnet de rendez-vous au cours du mois en cours.