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Arabie Saoudite : encore une fournée de princes embastillés

par Kharroubi Habib

Après que le roi d'Arabie Saoudite Salman a réalisé la révolution de palais par laquelle il a évincé de la succession au trône son neveu au profit de son fils Mohammed, ce dernier a procédé à une purge brutale dans l'intention de neutraliser toutes les oppositions qui pouvaient s'élever contre le changement dynastique dont il est le bénéficiaire.

L'habileté du désormais prince héritier saoudien et homme fort du royaume a consisté à présenter l'opération comme étant une œuvre de salubrité publique rendue indispensable eu égard à la corruption et la concussion qui ont gangrené le sérail des dignitaires du royaume et leurs affidés au gouvernement et dans le monde des affaires. Présentée de la sorte, la purge ne pouvait que lui rallier l'assentiment populaire à l'embastillement qu'il a ordonné d'une cinquantaine de personnalités influentes dont des membres de la famille royale. Il est toutefois apparu clairement que la véritable motivation du prince héritier a été d'asseoir son pouvoir en jugulant toute contestation de la part de ces personnalités.

Il ne semble pas cependant être encore parvenu à faire taire celle-ci et particulièrement au sein de la famille royale comme le montre l'incident qui a valu à onze princes de celle-ci d'être envoyés à leur tour en prison. Pour justifier la mesure qui a frappé ces princes, Mohammed Ben Salman a fait rapporter par les médias saoudiens qu'il contrôle qu'ils ont manifesté au palais royal de Riyad pour exprimer leur opposition à la décision du gouvernement de cesser entre autres de payer leurs factures d'eau et électricité. Dans les deux cas, les motifs invoqués ont été avancés pour présenter le prince héritier comme menant une lutte sans merci contre les rapaces qui dilapident l'argent public ou exigent des privilèges au détriment de la population du royaume.

Cette présentation des faits inspirée par le palais royal saoudien ne tient pas la route tant le prince héritier qu'elle crédite de vouloir laver « blanc de blanc » les allées du pouvoir y compris au sein de la famille régnante n'a pas la blancheur persil concernant l'accaparement des deniers publics et l'enrichissement par des méthodes qui n'ont rien de ragoûtantes.

La nouvelle fournée de princes ayant subi les foudres de l'homme fort du royaume est révélatrice que celui-ci n'est pas parvenu à la rallier dans son ensemble à lui. La famille Al Saoud a été forte tant qu'a prévalu en son sein le consensus sur le mode de succession au trône. Son unité a été à l'évidence mise à mal par la révolution de palais opérée par le roi Salman. Sa désunion la rend fragile aux secousses qui peuvent survenir au royaume provoquées par une situation économique et financière dont la détérioration engendrerait un irrépressible mécontentement populaire ou par l'échec de la stratégie politique régionale aventuriste imposée au royaume par le prince héritier.

Mohammed Ben Salman semble en apparence avoir pris le dessus sur ses opposants et être dans les bonnes grâces de la puissance protectrice titulaire du royaume que sont les Etats-Unis. Pour autant, il n'en a pas fini avec la contestation de son pouvoir qu'il est loin d'avoir éteinte au sein de la famille royale.