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La «harga», une histoire vraie

par Moncef Wafi

Alors que de plus en plus d'Algériens tentent désespérément de fuir le pays, la classe politique se chamaille encore et toujours. La campagne électorale, aussi insipide que fastidieuse, aurait dû s'intéresser, en premier, au sort de ces milliers de nos concitoyens qui, au risque de leur vie, prennent le large avec pour seul espoir un rivage plus clément. Pourtant, actuellement, même la terre promise est hautement hypothéquée avec la montée des voix identitaires et de l'extrême droite qui appellent à mettre un frein à ces invasions mauresques. Le dernier en date, Mauro Pili, député et fondateur d'Unidos, le mouvement de libération du peuple sarde, n'a pas hésité à qualifier les harraga algériens de délinquants. Le phénomène, quoique rentré dans les mœurs algériennes et inscrit dans l'ADN national, ne doit pas faire partie du décor et sa banalisation est le plus grand danger qui guette les Algériens, toutes catégories sociales, âge et sexe confondus. L'urgence d'une réelle prise en charge de ces naufragés du pays exige des politiques algériens, quelle que soit leur couleur partisane, une implication plus sincère dans ce dossier et une priorisation de leur cas puisque chaque jour qui passe apporte avec lui son lot de mauvaises nouvelles. Des Algériens meurent noyés au beau milieu de la Méditerranée et leurs corps boursouflés, mangés à moitié par la poiscaille, sont rejetés sur les rivages de l'Algérie et d'ailleurs. La solution n'étant plus dans la criminalisation de la harga, procédure qui a montré toutes ses limites depuis 2008 sous le règne du même Ouyahia, ni dans la culpabilisation dans le discours religieux, il est plus que temps que les autorités trouvent d'autres issues à ces traversées du désespoir. Comme personne ne pourra confisquer un rêve, même en minant le large, il serait plus judicieux d'essayer de comprendre ces folles tentatives en évitant toute manipulation grossière, genre discours paternaliste et langue de bois au dessert. Pourtant, il est difficilement envisageable de traiter ce phénomène au cas par cas puisque le profil type même du harrag a évolué en adéquation avec le recul de l'Algérie sur tous les plans. L'absence de perspectives d'avenir, la prédominance d'une faune d'aventuriers, le règne de l'argent sale et des fils de ont balisé les voies maritimes vers l'Italie ou l'Espagne. Rien ne sert à barbeler la Méditerranée quand on n'a dans les veines que l'eau de mer et pour tout espoir le sable fin d'une plage européenne ou un ticket droit vers l'enfer de la prison et de l'extradition dans le meilleur des mondes.