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Le jeu dangereux de Riyad

par Moncef Wafi

L'Arabie saoudite tient enfin son éventail, son 11 Septembre, son Tonkin à lui pour déclarer la guerre au Hezbollah libanais et à l'Iran par extension.

Si Riyad n'engage pas directement ses troupes, déjà à l'agonie dans la guerre contre les Houthis yéménites, sa guerre, il la veut par procuration, sous-traitant avec les Américains et les Israéliens à travers une nouvelle guerre civile au Liban pour affaiblir davantage les troupes de Nasrallah après les avoir éprouvées en Syrie.

La purge politique interne dans le royaume wahhabite, sous prétexte de lutte contre la corruption, a scellé la nouvelle vision du désormais homme fort de l'Arabie saoudite, le prince héritier Mohamed Ben Selmane (MBS), qui fait du rapprochement avec l'Etat hébreu un des atouts majeurs de sa politique étrangère. Si la démission du Premier ministre libanais, Saad El Hariri, sur demande saoudienne même si Riyad s'en défend, peut constituer l'une des raisons de cet esprit belliciste, c'est surtout le tir, samedi dernier, du «missile balistique», à partir du Yémen voisin, sur l'aéroport international de Riyad qui légitime cette déclaration de guerre. Dans un raisonnement par déduction, le ministre des Affaires étrangères saoudien, Adel al-Joubeir, a déclaré à la chaîne de télévision américaine CNN que le missile en question est iranien, fabriqué en Iran, démonté et acheminé au Yémen. Il a été ensuite monté par les éléments du Hezbollah présents au Yémen, considérant par là que ce tir est une déclaration de guerre contre son pays. Téhéran, de son côté, a rejeté en bloc ces accusations les qualifiants d'«injustes, irresponsables, destructrices et provocatrices».

Lundi, la coalition militaire arabe au Yémen sous commandement saoudien a logiquement emboîté le pas à la version de Riyad, jugeant ce tir «comme une agression militaire flagrante par le régime iranien qui pourrait équivaloir à un acte de guerre». Le communiqué de la coalition souligne «le droit du royaume saoudien de répondre à l'Iran au moment approprié et de manière appropriée». Alors que ce tir-alibi n'est pas le premier du genre - en février dernier un missile balistique avait ciblé un aéroport saoudien frontalier avec le Yémen -, il apparaît plus que jamais que tous les ingrédients pour un nouvel embrasement dans la région sont en train de se mettre en place.

L'éventualité d'une instabilité politique au Liban, l'avènement d'un prince héritier saoudien ouvertement pro-israélien et l'insistance de Trump à revoir les calculs américains avec l'Iran préparent le lit à un nouvel épisode de violence au Liban. En attendant, la seule inconnue reste la position de Moscou, seule garante d'un équilibre des forces dans la région.