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Moscou et Ryadh esquissent un rapprochent stratégique

par Kharroubi Habib

La visite officielle que le roi d'Arabie Salman Al Saoud vient d'effectuer à Moscou n'a pas focalisé l'intérêt des médias et des sphères politico-diplomatiques uniquement parce qu'elle est la première d'un souverain saoudien en Russie. Ils s'y sont intéressés surtout en ayant la conviction qu'elle est séquence d'un jeu diplomatique dont l'enjeu est la reconfiguration du rapport de force en cours internationalement dont la Russie et l'Arabie saoudite ne veulent pas en être les perdants. Elle n'annonce certes pas que Moscou et Ryadh vont convenir d'un renversement de leurs alliances internationales respectives, mais qu'ils sont susceptibles d'opérer entre eux un rapprochement qui tienne compte de leurs intérêts nationaux respectifs là où ils les estiment engagés.

Poutine et son hôte saoudien se sont certes entretenus sur l'état des relations bilatérales russo-saoudiennes et ont manifestement convenu d'en conforter l'aspect de la coopération économique. Mais ce qui reste à décrypter de leur entretien a trait aux dossiers qu'ils ont abordés et que l'on sait être pour les deux pays cause de divergences les mettant en confrontation parfois « chaude » sur les réponses à leur apporter. Il n'est pas besoin d'être dans le secret des dieux de la diplomatie pour pouvoir avancer qu'il y a eu une « franche » discussion entre Poutine et le roi Salman à propos de la crise syrienne sur laquelle leurs positionnements respectifs sont pour le moins aux antipodes et ont fait donner à penser qu'un rapprochement russo-saoudien serait de ce fait inenvisageable.

En se rendant à Moscou, le souverain wahhabite dont l'intransigeante hostilité au régime syrien dont la Russie est le grand allié a émis le message que son pays a pris acte que dans l'affaire syrienne et tout comme dans les autres conflits et crises de la région du Moyen-Orient, n'est plus dans le déni du rôle d'acteur déterminant de la Russie dans leurs solutions. Pour se faire à cette vision, la monarchie saoudienne a dû se convaincre que son alliance traditionnelle avec les Etats-Unis n'est plus pour elle le gage d'une sécurité susceptible de faire perdurer à son avantage l'équilibre de force régional.

Salman et probablement son fils qu'il a proclamé héritier du trône restent à n'en point douter fidèles à cette alliance, mais sont désarçonnés par la politique américaine dans leur région qui à leurs yeux se caractérise depuis quelques années déjà par des incohérences diplomatiques dont ils redoutent les conséquences sur leur pays. Esquisser un rapprochement avec la Russie qui exploite habilement ces incohérences pour conforter et élargir son influence dans la région, leur paraît démarche pragmatique et avantageuse. La visite de Salman Al Saoud à Moscou est un incontestable succès diplomatique pour le président russe Vladimir Poutine. Elle couronne en effet la diplomatie qui est celle de la Russie au Moyen-Orient à savoir qu'il n'y a pas de conflit ou crise dans cette région qui peuvent être résolus par une partie prenante au détriment des autres et que l'alternative est la démarche suivie par Moscou qui consiste à les faire dialoguer et négocier pour viser à des compromis ayant pour objectif la stabilité régionale et la sécurité des Etats concernés.