Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'étrange regain de la capacité opérationnelle de Daech

par Kharroubi Habib

Acculée de toutes parts en Syrie, l'organisation terroriste autoproclamée l'Etat islamique a déclenché dimanche une offensive surprise dans le centre du pays qui lui a permis de reprendre pied dans la ville d'Al Qaryatan située au sud-est de Homs dont elle fut chassée en avril 2016 par les forces gouvernementales. Celles-ci opposent une résistance farouche et reçoivent des renforts qui vont leur permettre de rétablir la situation.

L'assaut de l'Etat islamique contre Al Qaryatan est intervenu 72 heures après des attaques surprises menées en différents endroits en Syrie par cette même organisation terroriste contre les forces de Damas. La concomitance de ces « faits d'armes » de sa part a conduit des observateurs à y voir la traduction de l'appel lancé au biais d'un enregistrement audio par Abou Bakr Al Baghdadi à ses combattants leur intimant de « résister » et de multiplier les attaques contre leurs ennemis. Si tel est le cas, il y a à s'interroger sur le comment cette organisation terroriste qui est en défense sur deux fronts face à l'armée syrienne et aux groupes armés rebelles intégrés dans la coalition internationale conduite par les Etats-Unis a pu faire converger sur Al Qaryatan le gros des combattants qui lui reste. L'autre étrangeté qui interpelle est que les attaques lancées ces derniers temps par l'Etat islamique contre les forces de Damas « coïncident » avec celles menées contre ces mêmes forces par l'autre organisation djihado-terroriste, le Front El Nosra.

Que ces deux branches du djihado-terrorisme en soient venues à faire cause commune contre le régime syrien n'est pas pour étonner. Ce qui par contre doit être relevé est que dans le même temps où elles donnent l'assaut à des positions tenues par les forces gouvernementales syriennes, le front où l'Etat islamique est face aux groupes armés rebelles sous contrôle et encadrement de la coalition conduite par les Etats-Unis est étrangement calme. Comment ne pas en déduire que cela résulte d'une trêve de facto observée de leur part qui a permis à l'Etat islamique de dégarnir ses lignes de résistance contre eux pour disposer de la force combattante en capacité de se lancer à l'assaut de zones où sont présents l'armée syrienne et ses alliés. Cela s'impose d'autant que dans le même temps l'aviation de la prétendue coalition anti-Daech a singulièrement réduit ses interventions contre les réduits où se sont terrés les derniers carrés de combattants dont dispose encore l'organisation terroriste.

C'est un secret de polichinelle que pour les Etats-Unis et la coalition qu'ils dirigent les succès militaires et diplomatiques que le régime de Damas enregistre ces derniers mois ont faussé leurs calculs et que pour tenter de remettre au cœur du conflit syrien la priorité qu'est pour eux la chute de ce régime, ils sont disposés à maintenir en état de le combattre l'organisation terroriste contre laquelle ils sont censés s'être coalisés. La liberté de mouvement dont cette organisation terroriste dispose à travers les zones du territoire syrien où elle est prétendument encerclée et assiégée donne à penser que Washington l'instrumentalise en sous-main en la poussant à retourner ce qu'il lui reste de capacité combative contre les seules forces du régime syrien.

Une situation qui aux yeux des Américains et des autres membres de la coalition permet d'occuper les deux belligérants qui tout à leur confrontation laisseront le champ libre aux groupes rebelles sponsorisés par la coalition d'asseoir leur contrôle sur les régions de la Syrie dont celle-ci ne veut pas le retour dans le giron de l'Etat syrien.

Sauf qu'à ce jeu-là auquel s'adonnent les Etats-Unis et leurs alliés, il leur faut compter avec l'impondérable qu'est la détermination du régime syrien et de ses alliés à leur faire échec. Et ils prouvent qu'ils en ont les moyens.