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Des appels qu'il faut faire taire en disqualifiant leurs auteurs

par Kharroubi Habib

En laissant Abdelmadjid Tebboune qu'il venait à la surprise générale de nommer Premier ministre faire l'annonce que le gouvernement allait ouvrir un «dialogue social» auquel il convierait les forces vives nationales y compris celles se situant dans l'opposition, le président Bouteflika était apparu avoir conscience qu'un programme anticrise comportant d'inévitables réformes et mesures au coût social qui sera insupportable pour les plus larges couches de la population et qu'il faudra l'adosser sur un consensus national ratifié par l'ensemble de ces milieux d'influence.

Le départ dans les conditions que l'on sait de l'éphémère Premier ministre a mis fin au projet dont on peut maintenant se demander s'il n'a pas fait partie des raisons qui ont motivé sa brutale destitution. Il n'est en effet nulle part question d'une initiative de ce genre dans le plan d'action gouvernemental qu'Ahmed Ouyahia son successeur s'apprête à soumettre à l'approbation du Parlement. Ce n'est pas celui-ci d'ailleurs qui aurait pu suggérer au Président de persévérer dans une quelconque ouverture en direction des forces se situant en dehors de l'orbe du pouvoir tant il n'a pas fait mystère de l'aversion qu'il a pour elles. Le retour d'Ouyahia aux affaires en qualité de Premier ministre est en lui-même le signal que l'ébauche de la main tendue faite à ces milieux par Abdelmadjid Tebboune a vécu dès qu'il l'a esquissée. En effet et après avoir promis qu'il allait vite ouvrir le « dialogue social » dont il avait fait l'annonce, le ci-devant Premier ministre a été débarqué sans être parvenu à obtenir de Bouteflika son feu vert au format qu'il entendait donner à l'évènement.

Bouteflika et Ouyahia ont une aversion partagée pour toute démarche qui leur apparaît susceptible de donner de la visibilité à l'opposition au sein de l'opinion publique et n'ont pas eu par conséquent à se convaincre qu'il fallait mettre le holà à celle qu'a voulu entreprendre Abdelmadjid Tebboune. D'autant que le chaotique feuilleton dont celui-ci a été le héros malheureux leur a donné d'entendre venant de l'opposition des appels dont les teneurs seraient à leurs yeux des «crimes de lèse-majesté» car ne demandant ni plus ni moins que l'application de l'article 102 de la Constitution portant destitution du Président pour incapacité à exercer ses prérogatives. Ouyahia qui ne rate jamais l'occasion de brocarder les opposants au pouvoir qu'il sert a dégainé bien entendu contre eux à sa manière contestable consistant à s'en prendre à eux en les accablant de qualificatifs censés les faire apparaître comme déconnectés du réel et mus par des fantasmes qui les feraient délirer.

Il n'empêche qu'ils ont soulevé un problème que toutes les mises en scène ainsi que les témoignages intéressés provoqués ne parviennent pas à en réfuter la gravité pour le fonctionnement de l'Etat et des institutions républicaines alors que le pays est confronté à une situation de crise pour la sortie de laquelle le préalable premier et impératif est celui que se dissipe l'impression de vacance de pouvoir qui prévaut dans l'opinion et l'inquiète. L'ouverture d'un dialogue national aurait pu peut-être y contribuer. Ce dont le sérail ne veut pas y trouvant probablement intérêt propre dans la confusion que permet et entretient le délitement dans lequel est le sommet de l'Etat. Haro donc sur l'opposition pour détourner le peuple de ses interrogations sur la vacance de pouvoir.