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Iran-USA : le risque de dérapage

par Kharroubi Habib

Le dégel des relations entre les Etats-Unis et l'Iran qu'avait amorcé la signature de l'accord sur le nucléaire auquel sont parvenus en 2015 le groupe des grandes puissances dit des cinq plus un et la République islamique iranienne a cessé aussitôt Donald Trump arrivé à la Maison Blanche. Depuis en effet la tension ne cesse de monter dans les rapports des deux pays induite par l'approche qu'en a le nouveau président américain consistant à considérer l'Iran, accord ou pas accord sur son nucléaire, en tant qu'Etat constituant une menace pour la sécurité nationale et les intérêts géopolitiques de l'Amérique de même que pour ceux de ses alliés régionaux.

L'on concèdera au président américain que sur le dossier iranien il ne s'est pas montré imprévisible car il se comporte à l'égard de Téhéran comme il avait promis de le faire durant sa campagne électorale. Pour avoir dénoncé l'accord entre les cinq + 1 et Téhéran au moment de sa signature comme étant le « pire » que les Etats-Unis ont conclu, Trump avait promis qu'il le « déchirait » aussitôt élu président.

Six mois après son intronisation, Donald Trump n'a certes pas formellement mis à exécution sa promesse. Non pas qu'il a changé d'opinion sur le sujet mais parce qu'il s'est rendu compte qu'en le faisant, il provoquerait le désaveu de ses autres signataires et en particulier celui des puissances occidentales alliées de l'Amérique membres du groupe des cinq + 1 dont les relations avec lui et son administration ne sont pas au mieux, plombées par les réserves et inquiétudes qui sont les leurs sur les visions trumpistes tant au plan économique que politique et sociétale qu'elles estiment en rupture avec celles ayant fait de l'Amérique le leader exemplaire du monde occidental prônant l'instauration d'un ordre international conforme aux valeurs qui sont les siennes.

Pour ne pas avoir à respecter la clause de l'accord sur le nucléaire iranien disposant la levée des sanctions internationales dont l'Iran a été frappé après constat que ce pays exécute effectivement et sans détour ses propres engagements (exécution qui a été attestée par les organismes de contrôle délégués à cet effet par les cinq + 1) et ne pas envenimer sur ce sujet le climat entre l'Amérique et les grandes puissances en question, Donald Trump justifie le refus par l'Amérique de s'y plier en présentant l'Iran comme un Etat « terroriste » cause d'instabilité dans la région du Moyen-Orient qui « finance, arme et entraîne des milices et autres groupes extrémistes qui répandent le chaos et la destruction ». Fort de l'accusation, le président américain a non seulement stoppé le début de levée des sanctions amorcé par l'administration Obama, mais a signé en accord avec le Congrès américain une nouvelle batterie de sanctions encore plus destructrices pour l'économie et les perspectives de développement de l'Iran.

Il va en résulter que si l'accord avec les cinq + 1 a permis aux réformistes et modernistes iraniens de contenir l'influence de leurs détracteurs conservateurs et antioccidentaux, ce qui s'est traduit par la réélection à un deuxième mandat du président « modéré » Rohani, la politique américaine résolument agressive et dangereusement belliqueuse que Donald Trump pratique à l'encontre de leur pays va singulièrement affaiblir leur camp et leur fera obligation légitime de démontrer à l'autre qu'ils savent être aussi intransigeants que lui s'agissant de défendre les droits et les intérêts de l'Iran. D'où il faut s'attendre à d'imprévisibles mais dangereux évènements dans la crise américano-iranienne.