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Pourquoi Mohamed VI ne s'en est pas pris à l'Algérie ?

par Kharroubi Habib

Dans son discours du trône prononcé samedi 29 juillet, le souverain marocain ne s'en est pas pris à l'Algérie même quand il a évoqué la fronde populaire qui secoue la région du Rif et dont le Makhzen a prétendu que les animateurs seraient à la solde du pays voisin. Mohamed VI a apparemment tiré le bon enseignement que l'exercice consistant pour le Maroc à pointer systématiquement l'Algérie d'un doigt accusateur à chaque manifestation de colère populaire qui survient dans le pays ou de déboires diplomatiques subis sur la scène internationale ne fait plus office de diversion parvenant à faire taire le mécontentement populaire en agitant l'épouvantail algérien. Il en a eu pour preuve que la diabolisation de l'Algérie tentée par le Makhzen et sa propagande dans l'affaire du Rif n'a pas eu l'effet dissuasif qu'il a escompté sur les contestataires du mouvement Hirak et n'en a pas fait aux yeux de l'opinion marocaine des «sécessionnistes» mettant en péril l'unité du royaume à l'instigation de l'Algérie.

Le roi a pris à l'évidence conscience que la contestation sociale qui agite le Rif est susceptible de s'étendre à l'ensemble du royaume en raison de la grave situation économique, politique et sociale qui y prévaut et menace de se muer en remise en cause pure et simple de l'ordre monarchique. Pour exorciser cette menace qui pointe, le roi a dans son discours cherché à détourner du trône le mécontentement et la colère de ses «sujets» sur l'administration du Makhzen et brandi contre ses responsables la menace de sévères sanctions. Sur la situation que vit le Maroc et contre le Makhzen, Mohamed VI a dressé un tableau que ne renieront pas les manifestants rifains et les autres mécontents qui bouillonnent ailleurs dans le royaume. De la noirceur de ce tableau il en a exonéré le trône et le palais royal qu'il a présentés être à l'écoute des doléances populaires et déterminés à agir sur les causes qui en sont à l'origine.

A l'évidence, le souverain marocain tente de se redonner l'image qu'il a perdue en 18 années de règne de roi à l'écoute des pauvres et laissés-pour-compte d'entre ses sujets. Sauf que le temps a permis à ces derniers de se rendre compte que cette image de leur souverain n'a été que le reflet d'une posture car celui-ci qui concentre le pouvoir entre ses mains et détermine la politique de gouvernance du royaume est en réalité le premier responsable de la sombre situation qui prévaut dans le pays. Leur prise de conscience leur fera tôt ou tard transformer leur contestation sociale en une révolte politique et contre le trône et contre le Makhzen exécutant du pouvoir monarchique. De même qu'elle leur fera refuser de tomber dans le piège qui consiste à voir dans l'Algérie la cause des maux dont souffre leur pays dans lequel le palais royal et le Makhzen les ont à chaque fois enferrés en titillant contre elle leur patriotisme. Les prémices de cette prise de conscience en sont que malgré la diabolisation de l'Algérie par le Makhzen et les gestes d'apaisement faits en leur direction par le monarque, les contestataires rifains ne détellent pas et que le mécontentement gronde dans l'ensemble du royaume.