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Lutte contre la prédation, chantier de Tebboune ?

par Mahdi Boukhalfa

Le bras de fer Tebboune-Haddad est le feuilleton politique de cet été 2017. Beaucoup plus parce qu'il a réussi à attirer l'attention de l'opinion publique sur les extravagances d'un gouvernement débarqué, qui a pratiquement livré le pays entre les mains d'aventuriers et d'affairistes. Mais, on affirme à la Primature qu'il n'y a aucun conflit ni aucune «animosité personnelle», mais juste un peu plus de rigueur dans la gestion des dossiers sulfureux laissés par l'ex-locataire des lieux.

Et, l'opinion publique, quand il s'agit d'argent et de palaces achetés par des entrepreneurs algériens ayant de solides appuis au sein de l'establishment, ne peut qu'être aux premières loges du déballage sans ménagement des scandales financiers qui sont annoncés à la louche, et concernent seulement un homme d'affaires, devenu pratiquement un «demi-dieu» dans le sérail. Les libertés dont jouissait jusqu'à présent le patron de l'ETRHB, jusqu'à encaisser des avances sur des projets qu'il n'a jamais réalisés, ou faire venir des entreprises étrangères pour ramasser l'argent public et le lui concéder ensuite à travers un savant dosage de sous-traitance, semblent aujourd'hui une pièce à charge dans ce feuilleton de l'été contre Haddad. D'autant que le Premier ministre, qui a rappelé à tous, amis et ennemis, qu'il est investi d'une mission assignée par le président de la République, a réussi à faire taire ce qu'il a appelé «la bande» de très hauts responsables qui complotaient, de concert avec des milieux d'affaires, pour prendre la succession du président en 2019. Rien que çà ! Nous ne sommes décidément pas sortis de la «complotite».

En parallèle, le script de ce feuilleton de l'été déballe à profusion les biens de Haddad acquis à l'étranger. Et, surtout, son entrisme qui lui a permis de soumissionner pour des projets qu'il est absolument incapable de réaliser, mais qu'il obtient et sous-traite ensuite avec de petites entreprises étrangères, comme celle qui a laissé le chantier du stade de Tizi Ouzou en 2014.

Bref, c'est vraiment le «focus» sur un des hommes d'affaires les plus en vue de ces cinq dernières années, intouchable jusque-là, pour justifier les errements d'un gouvernement que l'on accuse à demi-mot d'avoir mené le pays à la faillite. Vrai, faux ? Il semblerait que le script ne soit pas totalement achevé. Mais ce qui est sûr, c'est que le gouvernement est en train de faire un virage complet pour moudre progressivement certains grains de sable qui grippaient l'économie nationale, sinon la vampirisaient. Et, ce qui est curieux, c'est qu'après l'annonce de son plan d'action, aucune autre grande sortie de Tebboune n'est venue clarifier sa politique de travail, ses chantiers et ses attentes. Si ce n'est un petit coup de pied dans un carton laissé dans un coin, celui des importations de biscuits et mayonnaise, comme pour dire que les achats inutiles ne sont plus tolérés et, dans le même mouvement, interdire, comme dans tout système populiste, l'importation de matières premières pour la seule industrie qui marche dans ce pays, l'agroalimentaire, et, ainsi, provoquer des dégraissages et des tensions autant sur les champs agricoles que dans les milieux industriels de la filière agro-industrielle.

Tebboune va ainsi faire les mêmes erreurs que ses prédécesseurs dont il veut gommer le souvenir, des mesures populistes comme le logement pour tous, demander des comptes à un ou deux hommes d'affaires devenus «envahissants» et éliminer d'un coup de baguette magique des milieux politico-financiers à la limite de la prédation, dans la perspective de 2019. Et siroter le reste de l'année du thé accroché au mouvement de balancier des prix du brut, espérant une bénédiction divine, en l'absence d'une économie qui produit des biens et des services, mangés d'ailleurs à moitié par un système fiscal fossoyeur d'entreprises.