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Une victoire qui peut se révéler être «à la Pyrrhus»

par Kharroubi Habib

Au deuxième tour de l'élection présidentielle en France, Emmanuel Macron le candidat d' « En Marche », devenu par la force des choses celui aussi des républicains et démocrates de tous bords, s'étant ralliés à lui pour faire barrage à sa rivale Marine Le Pen concourant pour le compte du Front National parti de l'extrême droite, l'a largement emporté sur celle-ci. La victoire a été accueillie par un « ouf » de soulagement dans l'Hexagone où l'angoisse a plané que l'impensable que serait l'arrivée à l'Elysée de la candidate de l'extrême droite raciste, xénophobe et prônant le renfermement de la France sur elle-même, avait assurément des chances de se produire. Mais pour aussi large qu'est sa victoire au second tour, le nouveau président de la France va devoir aussitôt travailler à en faire le point de départ d'une recomposition politique qui permettrait l'émergence d'une majorité sans laquelle il ne pourra assurément gouverner. Cela ne va pas être une mince affaire pour lui. Contrairement à ses prédécesseurs, Emmanuel Macron étrennera sa présidence sans être certain que son élection produira mécaniquement la dynamique qui lui procurera cette indispensable majorité. Il n'a pas été en effet élu sur la base du programme électoral qu'il a proposé aux Français. Ceux qui l'ont mis devant Marine Le Pen au second tour ont en majorité voté pour lui uniquement pour faire barrage celle-ci. Il ne peut en attendre qu'ils récidivent à l'occasion des élections législatives tant son programme électoral va à l'encontre de ceux qui l'ont soutenu au premier tour de la présidentielle. Pour qu'il puisse en être ainsi, Macron va devoir tenter une improbable « synthèse » entre son programme propre et ceux qui ont les faveurs des composantes de la mosaïque électorale qui l'a porté à l'Elysée. Mission sans conteste impossible en regard des clivages insurmontables de cette mosaîque.

Son positionnement atypique sur l'échiquier politique français ayant consisté à prôner la fin de la bipolarisation de celui-ci entre gauche et droite et l'émergence d'une classe politique déterminée à s'inscrire dans le schéma du rassemblement pour la France sans s'arrêter à cet étiquetage « suranné » a certes fait bouger les lignes dans ce sens comme l'a prouvé la montée en puissance du mouvement En Marche qu'il a fondé ainsi que les défaites « historiques » enregistrées dans l'élection présidentielle par les partis tenant de cette bipolarisation. Mais il y a que son programme électoral, sa vision du monde et sa conception des solutions à apporter au « mal de la France », au lieu de rapprocher les Français, provoquent au contraire chez la majorité d'entre eux le réflexe de s'en démarquer en réaffirmant leur ancrage doctrinal et partisan. Mais il y a tant d'ambiguïté dans le vote qui a assuré la victoire de Macron qu'il ne faut pas exclure que la situation politique que cela engendrera en France n'occasionnera pas le reflux du Front National mais au contraire sa progression dont le deuxième tour de la présidentielle a révélé qu'elle a déjà atteint un stade qui fait de ce parti d'extrême droite un acteur désormais clef sur l'échiquier politique de l'Hexagone et alerte que la possibilité de son arrivée aux affaires en France n'est plus une vue de l'esprit ou simple épouvantail pour apeurer républicains et démocrates, mais une perspective qu'il ne faut plus considérer comme impensable.