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Menaces sur l'économie nationale

par Mahdi Boukhalfa

Le marché national des fruits et légumes n'est plus dominé par les circuits commerciaux traditionnels, c'est-à-dire les marchés de gros. Et donc les prix des produits agricoles frais en particulier ne peuvent être réglementés, ni maîtrisés par un ministère du Commerce qui semble absent, pour ne pas dire dépassé. Les révélations du président de la Fédération nationale des commerçants de marchés de gros de fruits et légumes font peur, mais lèvent en même temps le voile sur la situation complètement anarchique qui règne sur le marché national des produits agricoles frais depuis le début de l'année. Il explique dans le détail pourquoi il y a rareté des produits ces dernières semaines, et, surtout, une hausse des prix fulgurante, illogique. En fait, M. Achour dévoile ce que beaucoup avaient dit tout bas : les structures étatiques et publiques, dont le ministère du Commerce, chargées de la régulation et le respect des normes et règles commerciales sur nos marchés de gros, sont absentes. Pire, des structures comme l'ONILEV, accuse-t-il mais sans la nommer, regardent sans broncher ce bal des trabendistes et autres gros négociants des fruits et légumes qui opèrent sur les circuits informels. Les révélations du président de la fédération nationale des commerçants des marchés de gros de fruits et légumes montrent également que ni le ministère du Commerce, ni celui de l'Agriculture, encore moins l'Intérieur, ne sont intervenus pour mettre de l'ordre dans ce fatras où, en bout de chaîne, c'est l'économie nationale qui en est victime. A moins que les barons de l'informel ne soient des intouchables, il est évident que cette situation est profondément nuisible à l'économie du pays, déjà passablement éprouvée par la baisse des recettes pétrolières. En fait, la spéculation sur les produits agricoles frais est récente, mais montre à quel point la prédation est devenue dangereuse pour la sécurité économique du pays. Les achats sur pied de la production agricole, les achats massifs de productions et leur détournement vers d'autres circuits que ceux légaux, dont les marchés de gros, leur stockage dans des frigos et leur mise sur le marché au compte goutte est, outre un crime économique que n'a pas, curieusement, décelé le ministère du Commerce, mais surtout une atteinte à la sécurité économique nationale. En plus de provoquer une baisse de l'offre d'emplois et la croissance en zones rurales, cette manière d'opérer des circuits commerciaux parallèles peut être assimilée à une tentative d'affamer les Algériens. Dire que presque 70% de la production agricole nationale sont détournés des circuits commerciaux réglementés, est grave. C'est, en réalité, en plus de dire une évidence préoccupante depuis quelques mois sur les marchés de détails, pointer un doigt accusateur vers les institutions étatiques concernées, restées jusque-là sans réaction, en dehors des sempiternels PV contre des pseudos commerçants «véreux» et qui n'ont jamais fait avancer les méthodes de contrôle et de surveillance des pratiques commerciales illégales. Qu'une fédération de commerçants de fruits et légumes donne des leçons de réalisme et de professionnalisme sur la manière de gérer la production nationale, ici la production agricole, et de réglementer les marchés et les prix, au ministère du Commerce et à celui de l'Agriculture, est renversant. C'est surtout symptomatique des incompétences des uns et des autres à gérer un secteur névralgique de l'économie algérienne, le commerce des produits agricoles, qui aurait dû depuis les années 1970, bénéficier de mécanismes de protection avec des seuils tarifaires, de lois contre la spéculation et la rétention des produits agricoles, ou de mesures souples pour réglementer les prix sur les marchés de gros et de détail, avec des alertes systématiques en cas de hausse inexpliquée et soudaine des prix ou des tarifs, comme cela est appliqué sur les marchés mondiaux. Et, surtout, la lutte contre les positions dominantes, de manière à éviter les situations de monopoles, l'autre source de hausse des tarifs.