Après
quelques semaines d'euphorie, le brut est retombé sous le seuil des 50 dollars
en fin de semaine sur les principaux marchés. Officiellement, les experts comme
les analystes, qui orientent les grandes tendances du marché dans un sens ou
dans un autre et selon les intérêts de leurs clients, ne mentionnent pas
souvent les vraies raisons, techniques celles-là, de la baisse ou de la hausse
des cours de l'or noir. Souvent, les causes potentielles de baisse des prix de
pétrole ne sont pas directement liées aux conditions de marchés, et non pas
également par rapport à la situation politique ou géopolitique dans certaines
parties du globe où est produit et expédié le pétrole. Si cette semaine, tout
le monde est scotché sur la réunion des experts de l'OPEP et de pays non OPEP pour
discuter et définir les niveaux de réduction de la production de
l'organisation, qui doit descendre à moins de 33 MBJ, ailleurs, dans une autre
bulle pétrolière, les problèmes de l'un des plus grands groupes pétroliers au
monde, l'américain Exxonmobil, ont pesé sur la baisse
des cours sur le marché américain vendredi. Le groupe texan aurait surévalué
ses actifs pétroliers et berné les investisseurs, au moment où les cours de
pétrole sont en baisse. Les pratiques douteuses d'Exxonmobil
sont ainsi dans le collimateur de l'autorité des marchés financiers (SEC) et le
procureur général de New York, Eric Schneiderman, qui
ont ouvert des enquêtes sur les pratiques comptables du pétrolier américain,
qui va réévaluer le potentiel de ses gisements. Une information venue en fin de
semaine et qui a contribué à faire baisser les cours avec des prises de
bénéfices anticipées quant à d'éventuelles sanctions contre le géant américain.
En outre, le flétrissement des prix de pétrole cette semaine a été également le
résultat de doutes soudains sur la capacité d'Hillary Clinton à remporter la
présidentielle face à Donald Trump. Une victoire de
Clinton sera le gage de la continuité et de la poursuite du climat des
affaires, alors que l'arrivée de Trump est
appréhendée par les milieux d'affaires et politiques comme une nouvelle ère
d'incertitude. En fait, le climat anxiogène qui règne sur le marché pétrolier
depuis deux ans est moins le fait des pays pétroliers, qu'ils soient membres ou
pas de l'OPEP, mais de facteurs souvent techniques, liés aux mécanismes
internes des marchés et du fonctionnement en général de l'économie mondiale. La
crise étant bien installée, avec une demande atone consécutive à un
ralentissement de la croissance dans les pays asiatiques, en particulier en Chine,
en Europe et aux Etats-Unis où les manufactures tournent au ralenti face à une
baisse des commandes, cela donne comme résultat une situation de chute de la
demande de pétrole, au moment où les gros consommateurs se tournent vers
d'autres sources d'énergies, durables, moins chères et moins polluantes. En
face, les réticences de certains pays producteurs membres de l'OPEP comme
l'Iran, l'Irak ou le Nigeria, qui veulent maintenir coûte que coûte leur niveau
de production, alimentent certes le pessimisme ambiant quant à l'incapacité de
l'OPEP de parler d'une seule voix et donc d'influer sur le marché. Mais donnent
raison, avec un coût social très élevé qui se décline en manifestations de
protestation contre les restrictions budgétaires et la détérioration des
conditions de vie dans plusieurs pays OPEP (Venezuela, Nigeria, Arabie
Saoudite, Algérie), à tous ceux qui pensent à tort ou à raison, mais plus à
raison, que l'OPEP ne peut être ce gendarme des marchés pétroliers tant que ses
membres restent divisés. Une consolation dont se serait passée l'OPEP: devant le poids des géants américains et asiatiques
de l'industrie, la puissance des marchés financiers européens a cessé d'être
une force du marché. Pour longtemps.