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Algérie-Tchad: le sujet qui fâche

par Kharroubi Habib

Les alarmes que suscite la dégradation de la situation dans l'ex-Jamahiria, tant à Alger qu'à Ndjamena pour ce qu'elle fait planer de menace sur la sécurité nationale de leurs deux Etats, ont fait à n'en point douter que l'entretien qu'ont eu hier le président Bouteflika et son homologue tchadien Idriss Deby Itno, en visite en Algérie, a tourné principalement autour de la question de savoir ce qui est à préconiser pour contribuer à éteindre l'incendie libyen et éviter sa propagation à l'ensemble de la région à laquelle leurs pays appartiennent.

Il faut souligner d'emblée que les deux présidents ont eu la même position d'opposition à l'option de l'intervention militaire étrangère quand elle a été préconisée après le soulèvement populaire contre Kadhafi et son régime et exprimé la même crainte vérifiée depuis qu'elle risquait de déboucher sur le chaos en Libye et la déstabilisation de l'ensemble de la région sahélienne. Tout comme elle l'a fait pour la crise malienne, l'Algérie plaide pour une démarche en vue de dénouer celle de la Libye consistant à réunir autour de la table de négociation l'ensemble de ses protagonistes et les aider à conclure un accord qui mettrait fin à leurs différends.

Dans un premier temps, le Tchad comme l'ensemble des pays voisins de la Libye a acquiescé à la proposition algérienne et exprimé officiellement son appui aux efforts que la diplomatie algérienne a commencé à déployer dans ce sens. Depuis, pourtant, c'est un autre son de cloche que l'on entend à Ndjamena et dans les autres capitales régionales, celui d'appels insistants à l'intervention militaire internationale au motif que la situation qui prévaut en Libye la justifie. Le président tchadien est celui qui prêche en sa faveur avec le plus d'insistance.

Le revirement de ces pays en question indispose les autorités algériennes car il confine la démarche algérienne dans un isolement qui ne favorise pas le succès des initiatives qu'elle a lancées en direction des protagonistes de la crise libyenne pour les convaincre d'accepter de dialoguer. Bouteflika parviendra-t-il à obtenir d'Idriss Deby Itno la confirmation du soutien qu'il avait initialement apporté à la proposition algérienne ? Rien n'est moins sûr tant il apparaît que malgré l'excellence des relations bilatérales algéro-tchadiennes, le président Deby et le Tchad ont opté par calcul d'intérêt en faveur du camp de l'intervention militaire dont la France est en sous-main l'inspiratrice et l'acteur fédérant.

C'est un fait que la France bien que s'étant déclarée pour le dialogue interlibyen préconisé par l'Algérie, pousse néanmoins à l'intervention et c'est à son activisme dans ce sens que l'Algérie doit de constater que l'ensemble des Etats frontaliers de la Libye ont pris leur distance avec sa démarche. Ce sont eux qui désormais font pression sur elle pour qu'elle entre dans une alliance régionale aux fins de l'intervention armée. Une telle alliance est ce dont Paris a besoin pour ne pas apparaître vouloir intervenir en Libye pour des raisons d'intérêts français et ménager ainsi la susceptibilité de l'Algérie très prompte à se manifester quand elle est provoquée. Il n'est pas impossible que Deby est venu à Alger pour vendre au «grand frère» du Nord ce scénario dont il est devenu le fervent adepte sous l'influence persuasive, semble-t-il, de Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense qui en défend ouvertement la mise en œuvre.