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La mémoire de Benboulaïd en défense du IVème mandat

par Kharroubi Habib

Si son état de santé le lui avait permis, le président candidat se serait lancé dans la campagne électorale en se rendant avant tout autre lieu dans la capitale des Aurès, Batna. Le fin politique qu'il est n'a pas en effet sous-estimé l'impact désastreux qu'ont eu dans cette région les propos outrageants de son directeur de campagne Abdelmalek Sellal à l'encontre des Chaouis. Il s'y serait d'autant précipité qu'il sait que le message adressé au peuple algérien par son prédécesseur Liamine Zeroual, enfant de la région, le mettant en garde contre la « dangerosité » d'un quatrième mandat a été conséquence de la « bourde » sellalienne favorablement accueilli par la population locale qui avant cela ne nourrissait pas d'intention irrévocablement malveillante à l'encontre de l'option quatrième mandat.

La chance proverbiale qui a accompagné Bouteflika tout au long de ses quinze années de présidence lui a offert l'opportunité de tenter d'apaiser l'indignation et la colère des Chaouis en flattant leur fierté et leur patriotisme. L'occasion en a été le 58ème anniversaire de la mort au champ d'honneur de l'icône révolutionnaire révérée de la région, le chahid Si Mostefa Benboulaïd, qui, fait de cette chance dont Bouteflika est verni, a été commémoré à l'entame de la campagne électorale de l'élection présidentielle qui s'annonçait problématique dans la région pour l'équipe qu'il a chargée de mener en son nom. En quinze ans d'exercice du pouvoir, Bouteflika n'a pas été avare en messages «nécrologiques» mais celui qu'il a adressé aux Chaouis est le premier du genre car envoyé à l'occasion d'un anniversaire d'une disparition. Exercice auquel il s'est adonné exclusivement pour ce 58ème anniversaire de celle de Mostefa Benboulaïd, autant dire qu'il a sauté sur l'occasion.

Nul doute que Bouteflika voue un grand respect et admiration pour le chahid Benboulaïd et l'extraordinaire saga héroïque que furent sa vie et son combat. La sincérité des éloges qu'il a tressés à sa mémoire dans son message en l'occurrence n'est donc pas en cause, ce qui l'est par contre est qu'il a lourdement tenté de faire comprendre que lui président il a fait ce que Benboulaïd en son temps a eu pour but : rassembler les tribus chaouies et plus largement le peuple algérien en les faisant renoncer à leurs particularismes et surmonter leurs différends ancestraux pour faire cause commune contre l'ennemi colonisateur.

C'est sous cet angle-là qu'il a fait le panégyrique de sa politique de réconciliation nationale. Celle-ci a effectivement permis à l'Algérie de sortir de son atroce et sanglante décennie rouge mais est-ce pour autant que les Algériens ont été réconciliés. Le régionalisme qui est devenu un mode de gouvernance comme il ne l'a jamais été auparavant, les affrontements intercommunautaires dont la région du M'zab est le théâtre avec récurrence toujours aggravée, le sentiment d'être les laissés-pour-compte qui taraude les populations de plusieurs autres régions du pays sont les signes que l'unité de la nation est loin d'avoir été cimentée par la politique de réconciliation nationale dont Bouteflika s'attribue les mérites et le bilan.

Il faut à Bouteflika plus qu'un message pour apaiser l'indignation qui a secoué les Chaouis et détourner ceux-ci de la tentation d'user du vote sanction à l'encontre du camp d'où leur est venue l'insulte attentatoire à leurs fierté et dignité. Bouteflika pourrait-il faire plus dans son état de santé, c'est-à-dire aller physiquement vers eux pour, par la vertu de son charisme, dissiper leur colère qui s'est transformée en refus d'un quatrième mandat pour lui ?