Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une opération qui a tourné à la farce

par Kharroubi Habib

La campagne de lutte contre le marché informel lancée l'on se souvient à grand renfort de déclarations sur la détermination de l'Etat à éradiquer ce phénomène nuisible pour l'économie nationale et par un impressionnant déploiement de forces publiques pour mener l'opération, s'est subitement arrêtée. Il faut croire qu'elle ne fait plus partie des priorités de l'action gouvernementale à l'approche de l'échéance électorale des présidentielles.

Energiquement menée quand Daho Ould Kablia son promoteur l'avait engagée, elle s'est faite moins dissuasive puis semble avoir été carrément stoppée depuis que Tayeb Belaïz lui a succédé à la tête du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. Il en a résulté que dans la plupart des villes et agglomérations du pays, les espaces publics et notamment les trottoirs qui furent débarrassés un temps du squat mercantile dont ils avaient fait l'objet sont redevenus des «souks» sources de désagréments et de nuisances pour leurs riverains ou utilisateurs, sous le regard indifférent des mêmes autorités qui ont promis pourtant une «tolérance zéro» contre le marché informel s'exerçant sous cette forme. Il en est de cette «lutte» promise permanente par l'Etat, ce qui a été pour d'autres : un effet d'annonce répondant à un contexte donné et un dérivatif destiné à capter l'attention publique braquée sur un ou des problèmes mettant en situation délicate l'autorité publique.

Il ne fait aucun doute qu'il y a une considération d'ordre électoraliste dans la mise en veilleuse de l'opération lutte contre le marché informel. Les autorités ont décidé de fermer à nouveau les yeux sur la persistance de cette pratique dans les lieux publics nullement destinés à la pratique marchande avec pour calcul de ne pas risquer de se mettre à dos en période préélectorale cruciale cette couche de la population dont la seule source de revenu est la pratique du marché informel et qui peut servir de masse de manœuvre pour les forces voulant plonger le pays dans un climat de grande tension sociale à la veille de l'échéance présidentielle.

Ce faisant, le crédit de l'Etat s'est encore dévalorisé aux yeux de l'opinion publique qui constate à nouveau et en l'occurrence que ses engagements ne sont qu'opérations de circonstance à effet conjoncturel. Tout comme elles ont abandonné la lutte contre le marché informel pour s'éviter le mécontentement de ses pratiquants et la possible manipulation de leur colère, les autorités mues par la même préoccupation sont devenues permissives et «généreuses» en beaucoup d'autres choses. L'arrosage financier dont elles sont prodigues à mesure que se rapproche l'échéance électorale en est la plus probante démonstration, en même temps que la plus risquée en terme de conséquences à moyen ou long terme pour les équilibres financiers du pays. Peu leur chaut cette perspective. Ce qui compte pour elles c'est la «paix sociale» momentanée qu'elles achètent de cette façon et la «reconnaissance» électorale qu'elles en attendent des bénéficiaires. Nos rues et autres espaces publics sont redevenus des lieux commerciaux. Qui a cru qu'il en allait être autrement quand l'Etat a montré ses «muscles» au début de l'opération lutte contre le commerce informel ?