Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Conférence internationale sur la Syrie: l'irréfléchi préalable français

par Kharroubi Habib

Dans la crise syrienne, Paris a très tôt plaidé pour un scénario à la libyenne, c'est-à-dire une intervention militaire internationale pour abattre le régime de Damas. Elle a été la première capitale occidentale à reconnaître l'opposition armée syrienne en tant que seule représentation « légitime » du peuple syrien. Une initiative par laquelle la France a clairement fait comprendre que le pouvoir syrien en place n'a à ses yeux plus de place et aucun rôle à jouer pour ce qui est de l'avenir du pays. L'évolution des événements dans le conflit syrien a fait apparaître que la France a très mal apprécié la situation et qu'en s'aventurant sur la positon maximaliste et radicale qui est la sienne, elle se retrouve en porte à faux avec celle que les deux puissances au rôle déterminant sur l'issue du conflit, les Etats-Unis et la Russie évidemment, prônent désormais de concert à savoir favoriser la négociation entre les deux parties qui s'affrontent en Syrie.

Paris a mis donc une sourdine à son activisme belliqueux dans le conflit et a approuvé du bout des lèvres l'accord conclu à Moscou entre les Etats-Unis et la Russie, salué par la majorité de la communauté internationale. Mais elle n'a pas pour autant renoncé à faire obstacle à la solution négociée écartée par elle de concert avec le Qatar car contraire au dessein commun que les deux pays visent à réaliser en Syrie. On le comprend à l'attitude que vient de prendre la diplomatie française s'agissant de la convocation d'une conférence internationale sur la Syrie à laquelle Russes et Américains se sont attelés depuis l'accord de Moscou et dont l'ONU vient d'en affirmer l'urgence et la nécessité.

Sans remettre en cause le principe de cette convocation, Paris a sérieusement « savonné » le plancher à ses initiateurs en posant comme condition la non participation de l'Iran à la conférence internationale en préparation. Autant dire qu'en acceptant son préalable les organisateurs de la conférence condamneront celle-ci à l'échec inéluctable. Car enfin l'Iran a plus que la France le droit de se considérer un acteur international incontournable pour une solution à la crise syrienne. Avec Moscou, Téhéran est en effet le principal allié stratégique du régime syrien. Prétendre l'exclure des négociations sur une sortie de crise en Syrie revient à pousser ce régime à refuser d'y prendre part. Pour faire « bonne mesure », Paris aurait dû exiger de même l'exclusion de la participation à la conférence du Qatar et de l'Arabie Saoudite qui sont eux les alliés inconditionnels de l'opposition armée au régime de Damas.

Le préalable de Paris est absurde et sa prise en compte serait fatale pour la conférence annoncée. C'est ce qu'en espèrent l'Elysée et le Quai d'Orsay qui l'on formulé. Sans la participation de Téhéran, il n'est de solution qui vaille à la crise syrienne. De cela tout le monde sauf Paris en est convaincu. Le médiateur international pour le conflit syrien Lakhdar Brahimi l'a compris aussitôt à pied d'œuvre dans sa mission. A aucun moment il n'a estimé que Téhéran devait être ignoré dans la recherche de la solution à même de mettre un terme au conflit et au bain de sang qu'il provoque en Syrie. Qu'on le déplore ou non, l'Iran est une puissance régionale sans laquelle rien de stable et durable ne peut s'envisager au Moyen-Orient.

Avec son préalable, la France rame à contre-courant des réalités dont est fait le conflit syrien. Car si l'absence de Paris pour cette raison à la conférence internationale n'aura pas une incidence décisive sur ses résultats, celle de l'Iran en aura assurément une de la sorte. Internationalement Paris veut continuer à jouer dans la « cour des grands ». Elle en crée l'illusion uniquement quand Washington le lui permet. Mais dans le cas syrien en reprenant la main, l'Amérique semble avoir décidé de montrer à Paris la véritable place et le poids de la France qui sont négligeables s'agissant de décider de l'issue du conflit.