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Taisons les problèmes qu'on ne veut pas voir

par Kharroubi Habib

En Algérie, c'est quand les autorités démentent qu'il faut s'attendre au pire. Et c'est ce que le citoyen lambda craint concernant la situation qui prévaut dans le sud du pays après que le ministre de l'Intérieur Daho Ould Kablia a en guise de réponse aux inquiétudes qui ont été exprimées sur le sujet par des acteurs politiques écarté l'existence de problèmes dans cette région menaçants pour la stabilité et l'intégrité territoriale du pays. Venant de Daho Ould Kablia, l'affirmation n'est pas rassurante tant ce ministre qui est censé être bien informé a été pris en flagrant délit d'ignorance à l'occasion d'affaires sécuritaires ou d'ordre sociopolitique sur lesquels il a fait des éclairages qui ont été démentis par les faits et des déclarations d'autres responsables étatiques.

 Il y a manifestement problèmes dans le sud du pays que le pouvoir ne veut pas avouer mais qui suscitent son inquiétude et l'ont contraint à se démener dans l'urgence pour tenter d'apaiser les tensions dont ils sont à l'origine au sein des populations de cette région. Depuis l'attaque terroriste contre le site gazier d'In Amenas, les autorités ont multiplié les effets d'annonce promettant que le développement du sud du pays va être la priorité de l'action gouvernementale. Des mesures d'ordre administratif, financier et social ont été annoncées pour créditer auprès de ces populations les bonnes intentions à leur égard du pouvoir central. Mais pour les « laissés-pour-compte » du sud du pays cette subite sollicitation dont leur région fait l'objet n'est rien moins que la preuve que celle-ci a été effectivement délaissée comme ils l'ont vainement dénoncé depuis longtemps.

 La promotion et le développement du sud du pays, les autorités les ont promis de façon récurrente. Des programmes spéciaux mirifiques pour cette région ont été élaborés et annoncés en grande pompe. Mais décennie après décennie, les populations du Sud n'ont rien vu venir de ces grandioses projets qui étaient censés avoir été conçus pour sortir leur région du dénuement réel dans lequel elle se débat. Sans faire dans l'exagération consistant à nier que le Sud a bénéficié de réalisations substantielles ayant impacté positivement les conditions de vie de ses populations, l'ont peut toutefois affirmer que les efforts déployés dans ce sens par l'Etat en faveur de cette région ne l'ont pas été dans le cadre d'une stratégie de développement et de promotion cohérente tenant compte de ses besoins spécifiques et surtout sans concertation avec ses représentations sociales.

 Faut-il s'étonner que cette logique ayant guidé l'action publique ait créé des frustrations au sein de populations qui ont fini par se convaincre que le pouvoir central est irrémédiablement autiste, incapable de comprendre que l'on ne développe pas une région en excluant ses habitants du cadre où se fait la réflexion autour de la question de son développement et s'avancent les propositions à cet effet. Abdelmalek Sellal semble avoir pris conscience de ces frustrations et a tenté de les dissiper en engageant le dialogue avec les autorités locales et la société civile de la région. Est-ce pour autant que cela a apaisé et désamorcé le mécontentement populaire accumulé ? Ould Kablia en est manifestement convaincu. Sauf qu'il a tellement mis à côté de la plaque en d'autres circonstances que ses dénégations concernant la dangerosité de la situation dans le sud du pays sonnent faux et incitent à les accueillir avec réserve.