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Une intervention aux buts inavoués

par Kharroubi Habib

L'Algérie ne veut pas de guerre dans son voisinage immédiat. Son hostilité à cet état de choses, elle l'a clairement exprimée. Que ce soit quand les bruits de bottes militaires ont commencé à se faire entendre dans la séquence de la crise libyenne ou maintenant que se profile la perspective d'une intervention armée au Nord-Mali en guise d'aide au gouvernement malien pour récupérer cette région de son pays tombée sous contrôle des groupes armés terroristes et narcotrafiquants. Les craintes qu'elle a exprimées quant aux conséquences néfastes pour la région d'une intervention militaire étrangère dans l'affaire libyenne, n'ont pas été prises en compte par les partisans de cette option. Elles se sont pourtant toutes révélées fondées et si le Sahel est devenu un chaudron explosif, la situation créée en Libye par l'intervention militaire n'y est pas étrangère.

Constante dans son opposition au principe de l'intervention militaire étrangère à ses frontières, l'Algérie s'y est opposée encore plus fermement s'agissant de celle qui se prépare pour le nord du Mali. Parce que consciente qu'elle entraînera d'inévitables répercussions sur sa sécurité nationale. Là aussi sa position se heurte à celle des partisans de l'option miliaire dont certains se sont impliqués dans la crise malienne à la poursuite de buts inavoués mais dont les autorités algériennes soupçonnent à juste titre qu'ils sont dangereux pour l'intérêt national du pays et sa stabilité.

Comment l'Algérie ne doit pas s'inquiéter d'une intervention militaire à ses frontières dont la France, son ex-puissance colonisatrice, en est l'instigatrice et le Maroc l'un des Etats conviés à participer à ses préparatifs ? Ce royaume voisin aux relations tendues avec l'Algérie n'est pourtant ni un pays du champ, ni membre de la CEDEAO, ni de l'Union africaine. Ceux qui l'ont invité à participer aux discussions sur la crise malienne et aux préparatifs de l'intervention militaire au nord du Mali, ne l'ont pas fait par méconnaissance de ce que la présence marocaine susciterait d'hostilité de la part de l'Algérie. Leur geste fait que non seulement ils ont ignoré ce que l'Algérie prône, à savoir qu'il y a une possibilité de solution à la crise malienne autre que le tout militaire, mais qu'ils ont sciemment offert au Maroc l'opportunité de la prendre à revers à sa frontière sud.

L'Algérie s'estime donc directement visée par ce qui s'échafaude souterrainement par le biais de l'intervention annoncée. A bon droit et dans la défense de son intérêt national en s'activant à faire la démonstration que la solution politique à la crise malienne est possible. Ce qu'elle est parvenue à établir en ralliant le MNLA et le groupe armé Ansar Eddine à l'option du dialogue politique avec Bamako. Ne pas tenir compte dans ces conditions de la position et des préconisations algériennes reviendrait à lui signifier qu'il n'est pas tenu compte de son statut de puissance régionale phare concernée par ce qui se passe au Sahel dont elle est frontalière et qui plus est lui montrer que l'on favorise les tentatives du Maroc d'instaurer son influence dans cette zone au détriment de la sienne. Des calculs qui ne présagent rien de bon pour la stabilité de cette région et au delà de celle du nord de l'Afrique où Algérie et Maroc sont en rivalité de leadership et où les situations ne manquent pas qui attiseront le climat conflictuel de leurs relations.