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Injonction présidentielle lettre morte

par Kharroubi Habib

Entre autres réclamations exprimées par l'opposition en termes de garanties pour le scrutin du 10 mai, il y a eu celle de la nomination d'un exécutif gouvernemental «neutre» à qui confier la mission d'organiser ce scrutin. La demande n'est pas sans fondement car, l'actuel exécutif étant partisan dans sa composante, il n'est pas assuré qu'il s'en tiendra à cette «neutralité» que l'opposition veut voir respectée par l'appareil d'Etat. Il y a aussi que des ministres en faisant partie vont être candidats et ne se priveront pas d'user à leur profit des avantages conférés par leur statut ministériel.

Le chef de l'Etat n'a pas accédé à la demande du changement d'exécutif, mais a inclus dans le projet de nouveau code électoral transmis à l'Assemblée nationale un article faisant obligation aux ministres candidats à une élection de démissionner préalablement. La majorité parlementaire aux couleurs FLN-RND a «retoqué» cet article, donnant ainsi de la consistance solide à la suspicion qu'exprime l'opposition à l'égard de la «neutralité» de l'exécutif en exercice et à la défiance contre des ministres candidats susceptibles de faire dans le mélange des genres entre leur statut de concurrents et leur qualité de membres du gouvernement. Bouteflika a donné l'apparence d'avoir été sensible au tollé soulevé par le rejet parlementaire de l'article portant démission des ministres candidats. Ce que semble donner à penser l'injonction faite à deux reprises par lui aux ministres aspirant à la candidature aux législatives, leur enjoignant de ne pas effectuer de visites ès qualités pendant la campagne électorale dans les circonscriptions où ils seront candidats. De ne pas aussi utiliser les moyens étatiques pour leur campagne.

L'instruction présidentielle ne semble pas avoir eu l'effet dissuasif escompté. Des ministres candidats potentiels se sont trouvé mille et une raisons à programmer des visites «d'inspection et de travail» dans les wilayas où ils convoitent d'être investis pour les élections législatives. Des visites qu'ils ponctuent de rendez-vous partisans sous prétexte de rencontres avec la société civile.

L'opposition a donc quelque raison de clamer que les règles du jeu sont faussées au vu de ces ministres qui mènent déjà campagne pour eux et leur parti en bénéficiant des avantages non négligeables que leur octroie leur statut. Quant à la neutralité de l'administration, elle est vraiment sujette à caution au vu de ces walis et autres représentants locaux de l'Etat qui font cortège à ses ministres, même quand ils vont aux rendez-vous «messe basse» de préparation de leur investiture.

Le plus grave dans le comportement de ces ministres de la République est qu'il les fait apparaître comme se situant au-dessus de tout contrôle, fût-il celui du chef de l'Etat. Leur simple rappel à l'ordre par Bouteflika ne sera pas pour convaincre que tous les candidats vont être logés à la même enseigne au cours de la compétition électorale qui vient de démarrer. Encore un constat qui va faire inévitablement grossir le camp de l'abstention ou celui du vote sanction. Un changement d'exécutif gouvernemental à sa raison d'être et ce qui justifie que des formations politiques persistent à le demander au chef de l'Etat, dont les instructions sont ouvertement ignorées par les ministres candidats potentiels.