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Leçon des despotes

par Yazid Alilat

Un fait est établi : depuis la chute du Mur de Berlin et la fin de l'ère soviétique, les dictateurs et les hérauts des régimes totalitaires finiront par tomber. Quel qu'en soit le prix en vies humaines ou la durée de leur despotisme. Aujourd'hui, à l'automne du Printemps arabe, seul le régime syrien, pratiquement au banc de la communauté internationale, avec de nouvelles sanctions économiques de l'UE, se maintient en place. Contre la volonté du peuple syrien, qui se bat pour sa dignité, sa liberté et la fin du despotisme des Al-Assad. Pour une Syrie enfin libre de toute tutelle hégémonique.

 Il y a presque une année, c'était la Tunisie qui basculait dans la contestation du régime en place, suivie par l'Egypte, le Yémen et la Libye. Avec la parenthèse douloureuse et encore saignante du Bahrein. Et, au moment où les Yéménites en ont fini avec le régime de Abdallah Salah, que les Egyptiens terminent le premier tour des législatives et que les Tunisiens filent tout droit vers les présidentielles, en Syrie, le régime de Bachar al-Assad ne veut pas lâcher prise. Il continue dans son aveuglement à ignorer les revendications d'ouverture politique, de la fin du despotisme et de l'amorce véritable de négociations avec l'opposition. Non, rien de tout cela ; au contraire, Bachar défie la communauté internationale et notamment les pays arabes en refusant la voie de la sagesse, celle qui voudrait qu'il accepte le plan de paix arabe et laisse tomber définitivement le langage des armes et de la violence. Et donner une réelle chance aux Syriens de se prendre en charge, maintenant que le peuple veut le changement, maintenant.

 Car, sur le plan international, tout accable le régime en place, avec un rapport de l'ONU qui fait état de plus de 300 enfants tués dans les manifestations anti-régime et un bilan de plus de 4.000 morts depuis le début, en mars dernier, des violences en Syrie. « Selon des sources dignes de foi, à ce jour, 307 enfants ont été tués par les forces de l'ordre. Novembre a été le mois le plus mortel avec 56 enfants tués», affirme Paulo Pinheiro lors de la session spéciale du Conseil des droits de l'homme (CDH) de l'ONU sur la Syrie.

 Quel triste annonce pour un pays qui ne mérite pas une telle descente aux enfers ! Jeudi, l'UE, après la Ligue arabe, a serré encore plus l'étau sur le régime de Bachar al-Assad en décidant pratiquement d'étouffer l'industrie pétrolière du pays, devenue l'unique source de recettes après la fermeture des vannes arabes. Dorénavant, c'est une vraie fuite en avant à laquelle se livre le régime syrien, et les soutiens étrangers, la Russie en tête, finiront par l'abandonner.

 L'exemple le plus proche dans le temps est celui de la fin triste et lamentable de Maamar Kadhafi, mort pratiquement après avoir été lynché. Il y a aussi ceux des présidents tunisien, Ben Ali, qui a fui comme un malfrat son pays, et bien sûr Hosni Moubarak, malade et alité, qui assiste à son procès sur un lit de prison, dans une cage.

 Est-ce la destinée particulière des dictateurs de terminer leur parcours, souvent sanglant, dans la boue ? En refusant de comprendre que les choses ont changé dans le Grand Orient, que les enjeux actuels et futurs ne sont plus ceux des temps héroïques des deux Blocs, et que le monde arabe veut vraiment se libérer des vieux schémas politiques de l'antagonisme Occident-monde arabe, la Syrie alaouite dénie en fait le droit de son peuple à vivre le changement, l'alternance sans recourir aux sacrifices, à la mort de milliers de personnes, à une transition politique sans effusions de sang. Ce qui est évident, maintenant que la Ligue arabe soutient fermement l'opposition et appelle Bachar al-Assad à coopérer, c'est que la fin a commencé pour lui et son régime.

 Comment sera le dénouement de cette crise ? A la libyenne, à la tunisienne, à l'égyptienne ou à la yéménite ? Seul Al-Assad en détient la réponse.