Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Moins qu'une instance de consultation, une boîte aux lettres

par Kharroubi Habib

Au terme de la première semaine des «consultations» sur les réformes politiques engagées par l'instance désignée à cet effet par le président de la République, le constat s'impose que celle-ci n'est finalement qu'une boîte aux lettres. Ses membres se contentent en effet d'enregistrer les avis de ses invités et de réceptionner leurs propositions. Il est consternant qu'à quelques exceptions près, les personnalités reçues par cette instance n'ont pas profité de la rencontre avec la presse qu'elle leur a aménagée à l'issue de leur audience, pour détailler et expliciter ce qu'ils ont dit à ses membres ou ce qu'ils ont transmis par son intermédiaire.

Il ressort également et là aussi qu'à une ou deux exceptions près, les personnalités reçues cette première semaine n'ont pas manifesté de rejet radical des réformes politiques annoncées par le chef de l'Etat. Elles se sont contentées d'émettre, qui des objections sur le processus y conduisant, qui des réserves sur le calendrier fixé pour leur mise en œuvre.

Les «consultions» sont loin de s'achever mais il semble que la classe politique, dans sa majorité, s'est faite à l'idée qu'il vaut mieux pour l'Algérie des réformes politiques initiées par le pouvoir qu'une «révolution» dont les citoyens seraient les acteurs déclenchants.

Paradoxalement, c'est un ex-militaire, le général à la retraite Khaled Nezzar, qui, à cette étape des consultations, a délivré à l'instance présidée par Abdelkader Bensalah le message dont le contenu est le plus proche des aspirations d'une révolution populaire si elle venait à éclater.

Il est le seul en effet à avoir clairement affirmé que des réformes politiques ne sont pas concevables si elles ne portent pas sur la limitation du nombre de mandats présidentiels, l'alternance au pouvoir, l'autorisation de création de nouveaux partis politiques et associations de la société civile, le respect du caractère républicain et démocratique de l'Etat algérien, la garantie des droits de l'opposition et des minorités parlementaires, la liberté de manifester pacifiquement même dans la capitale, et enfin sur le principe qu'aucune légitimité ne doit prévaloir en dehors de la légitimité constitutionnelle en ce qui concerne les croyances et les libertés individuelles.

Khaled Nezzar n'est pas la seule personnalité à estimer que le mode opératoire et le calendrier retenus par le chef de l'Etat ne garantissent pas des réformes politiques profondes. Sans préconiser que ces réformes doivent venir d'en dehors du système et de ses hommes, comme le voudraient les détracteurs les plus radicaux de la démarche de Bouteflika, Khaled Nezzar a suggéré de confier à une commission indépendante la préparation des textes de lois afférents aux réformes et de court-circuiter la présente Assemblée nationale par le biais de la légifération par voie d'ordonnances présidentielles jusqu'à l'élection de la prochaine APN.

Il ressort au final de la première semaine de «consultations» que même les personnalités qui ont été les plus offensivement critiques sur la démarche du chef de l'Etat n'ont pas été dans la contestation et la remise en cause du système. Nulle d'entre elles n'est allée jusqu'à considérer que le départ de Bouteflika et une élection présidentielle anticipée sont des préalables exigibles pour aller à des réformes politiques répondant aux aspirations populaires.

Ce débat était pourtant celui qui faisait des vagues dans les milieux et cercles politiques juste avant que ne démarrent les «consultations» de l'instance présidée par Bensalah. Il faut croire que ces milieux se sont convertis au «pragmatisme» en faisant avec la réalité des choses et non en se berçant d'illusions.