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Un pouvoir en état d'alerte

par Kharroubi Habib

Le pouvoir et le gouvernement sont sur leurs gardes car ils redoutent une possible reprise de la contestation populaire. Il est vrai que le mécontentement citoyen n'a guère été désamorcé par les mesures de baisse des prix de l'huile et du sucre décrétées par le gouvernement suite aux émeutes ayant éclaté en réaction à l'extravagant surenchérissement que ces prix ont subi en début janvier.

 L'atmosphère dans le pays est électrique et les autorités n'ont pas tort d'appréhender que le moindre incident ou prétexte peut être l'étincelle dont jaillirait l'embrasement redouté. Les services de sécurité sont en état d'alerte maximum et les walis et les administrations locales instruits d'avoir à ne prendre aucune décision ou initiative risquant d'envenimer la tension sociale.

 L'exemple tunisien dont elles craignent la contagion au pays hante l'esprit des autorités. D'autant que des acteurs politiques de l'opposition semblent s'être réveillés de leur léthargie conséquemment aux émeutes vécues par le pays et à la révolte populaire en Tunisie qui a mis à bas la dictature de Ben Ali, et se montrent offensifs dans la volonté d'en découdre avec lui.

 A cet égard, le RDC est le plus incisif. Non seulement il a multiplié les condamnations sans appel du système et du régime, mais a décidé d'appeler à une marche populaire contre eux. Malgré l'interdiction de cette manifestation par les autorités administratives, il paraît peu probable que Saïd Sadi et le RCD y renonceront. C'est pourquoi samedi prochain, date fixée par eux pour cette marche populaire, sera une journée à haut risque pour peu que les citoyens répondent à leur appel. Ce qui semble devoir être le cas pour plusieurs raisons. D'abord, bien sûr, parce que le ras-le-bol populaire cherche la moindre occasion pour s'exprimer. Ensuite, parce que les autorités pour mettre l'opinion publique de leur côté lors des récentes émeutes juvéniles ont commis la maladresse de présenter la non participation des adultes à celles-ci comme étant la preuve qu'ils désapprouvent cette révolte juvénile et les mots d'ordre qu'elle a brandis. C'est pour réfuter cette assertion officielle que de nombreux citoyens adhèrent au principe d'une marche populaire pacifique de protestation, fût-elle à l'initiative d'un parti dont ils ne partagent l'ensemble de la vision et des prises de position.

 En lançant son appel, Saïd Sadi savait que le moment et le climat dans le pays plaident en faveur de son initiative. C'est le pouvoir qui est ainsi mis au pied du mur. Pour avoir laissé entendre que les jeunes émeutiers ont eu tort d'exprimer leur mécontentement par la violence alors qu'ils pouvaient le faire librement de façon pacifique, les autorités ne peuvent persister dans leur refus d'une marche populaire organisée et conduite dans cette forme. Elles ne peuvent également justifier son interdiction par la prétendue menace d'attentats terroristes alors qu'elles ont donné leur bénédiction à des manifestations de rue favorables au pouvoir et au régime. La répression de la marche à laquelle le RCD a appelé serait la démonstration que ce pouvoir et ce régime sont imperméables à toute notion d'ouverture politique et déterminés à maintenir le statu quo suicidaire dans lequel ils ont fourvoyé le pays. Et alors seule une révolution à la tunisienne pourrait sauver l'Algérie.