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Tout va bien et tout ira bien !

par Kharroubi Habib

Sidi Saïd, les indéboulonnables caciques de l'appareil syndical UGTA et les salariés en rangs de plus en plus clairsemés qui les suivent, ont, c'est certain, été agréablement touchés par la sollicitude que le président de la République a manifestée à l'endroit de leur organisation à l'occasion de ce 24 Février de l'anniversaire de sa création. Quant aux syndicats autonomes et les travailleurs de plus en plus nombreux à les rejoindre, ils ont eux fait le constat que Bouteflika est toujours dans le refus d'admettre la réalité du plurisyndicalisme, dont l'existence s'exprime pourtant avec force ces temps-ci sur le front social.

 Parce que le 24 Février est l'anniversaire de l'UGTA, le chef de l'Etat ne pouvait faire l'économie d'une rhétorique élogieuse à l'égard de son passé fait de contributions héroïques à la lutte de libération nationale. Mais là où le bât blesse dans son message censé s'adresser à tous les travailleurs et travailleuses, c'est que Bouteflika persiste à ne leur reconnaître d'autre représentation que cette organisation dont ils ont déserté les rangs en masse.

 Les ouvriers et salariés d'El-Hadjar, de la zone industrielle de Rouiba, les enseignants et les praticiens de la Santé, pour ne citer qu'eux parce qu'ils sont les protagonistes des plus récents mouvements de protestation sociale, s'attendaient peut-être à ce que le Président, dont ils ont vainement sollicité l'écoute à leurs doléances, allait saisir cette opportunité qui est la commémoration de l'anniversaire de la centrale UGTA pour, sinon leur annoncer qu'il a pris acte de celle-ci, du moins expliquer les raisons qui font que l'Etat refuse la concertation sur elles que lui demandent les syndicats autonomes.

 En fait, Bouteflika l'a fait en réaffirmant que le seul dialogue social qui a droit de cité est celui qui se déroule dans le cadre de la tripartite, avec pour seul partenaire syndical cette UGTA désormais si décriée.

 Ignorant que les mouvements sociaux qui agitent le monde du travail depuis la dernière tripartite de décembre dernier sont partis de la remise en cause précisément des résultats de cette rencontre, Bouteflika n'a pas tari d'éloges sur «la pertinence de l'approche du dialogue social» tel que balisé et confiné par les pouvoirs publics qui se sont donné arbitrairement leurs partenaires sociaux. Ces mouvements sociaux et ces grèves qui se multiplient et se durcissent dans le pays n'ont, semble-t-il, nullement entamé la certitude du Président que le semblant de dialogue qui se déroule dans le cadre des tripartites a apporté la paix sociale en Algérie. Aux travailleurs qui, par le biais de ces mouvements et grèves, ont tenté de lui faire savoir que la réalité est tout autre sur le terrain dans le monde socioprofessionnel, il a au final assené un discours langue de bois dans la tradition des années du parti et du syndicat uniques. Il est clair que pour le locataire du palais d'El-Mouradia, il n'y a nullement le feu à la maison au plan social et que tout va pour le mieux. Pourquoi alors élargir le dialogue et la concertation sociale à ces trublions que sont les syndicats autonomes ?

 L'on attendait de Bouteflika un discours en phase avec les dossiers qui font problème et l'actualité du moment dans le pays. On a eu droit au panégyrique de l'action gouvernementale sous sa «conduite éclairée» et au dédouanement d'une centrale syndicale déliquescente.