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Phénoménal et pour tout dire indescriptible

par Kharroubi Habib

C'est une mer humaine dont le moutonnement était vert, blanc et rouge que le bus transportant les vainqueurs d'Omdurman a dû fendre des heures durant, de l'aéroport Houari Boumediène au Palais du peuple, où le président Bouteflika les attendait.

 Mais ce qui s'est passé jeudi dans ce pays est encore plus colossal que cette mer humaine qui a coulé de l'aéroport d'Alger au centre-ville. Toute l'Algérie s'est en effet donné au même moment rendez-vous dans les rues et places de nos villes et villages, réunis en une communion patriotique dont on ne peut traduire l'intensité unique au moyen des mots. Seuls les plus de cinquante ans peuvent prétendre avoir déjà vécu un évènement aussi phénoménal avec les manifestations de liesse populaire qui ont accompagné la proclamation de l'indépendance de la patrie en juillet 1962.

 L'on s'attendait à un grandiose accueil pour notre onze national, mais celui que le peuple lui a réservé a dépassé en ampleur et en enthousiasme tout ce que l'on a pu imaginer. Ce moment de bonheur et de solidarité partagé, c'est au résultat d'un match de football que nous le devons.

 D'aucuns à l'étranger s'étonneront qu'une cause aussi anodine ait provoqué chez notre peuple une telle paroxysmique réaction. Cela parce qu'ils ne mesurent pas l'allergie obsessionnelle de ce peuple à tout comportement arrogant et méprisant à son endroit. C'est cette allergie que les Egyptiens ont provoquée en laissant leurs médias déverser sur l'Algérie, le peuple algérien, leur histoire et leurs valeurs d'invraisemblables mensonges, d'ignobles injures et d'ineptes commentaires.

 Même à ce point, les Algériens n'auraient pas fait du résultat des confrontations sportives du Caire et d'Omdurman la raison de la tempête patriotique dont ils ont été pris, si à l'ignominie, les Egyptiens n'avaient pas ajouté la «hogra», cet autre comportement qui les révulse en tout lieu et à tout moment. Le traitement réservé au Caire à notre onze national et à ses accompagnateurs en fut la manifestation et le déclencheur de l'indignation nationaliste de nos compatriotes. «Qui sème le vent récolte la tempête». Les Egyptiens, qui se disent citoyens de la «mère du monde», auraient dû avoir présent à l'esprit cet adage populaire séculaire, surtout qu'ils prétendent connaître la susceptibilité ombrageuse du peuple algérien.

 L'engrenage dans lequel sont prises aujourd'hui les relations algéro-égyptiennes est de la responsabilité des autorités du Caire. Et si elles sont maintenant dépassées par les évènements qu'il enchaîne, elles ne doivent s'en prendre qu'à elles-mêmes.



 Le pire pour ces autorités serait qu'elles fassent dans la fuite en avant face au traumatisme que la défaite de Khartoum provoque au sein du peuple égyptien, et ceci en dramatisant la détérioration des rapports algéro-égyptiens. Il arrivera le moment où, l'esprit retrouvé, le peuple égyptien finira tout de même par comprendre qu'il a été manipulé et son amour de la balle ronde détourné et exploité à d'autres fins qui ne rehaussent pas la gloire de «la mère du monde».