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Contre la corruption, il faut plus que l'incantation

par Kharroubi Habib

Depuis qu'il est à El-Mouradia, le président de la République, le Premier Magistrat du pays, évoque chaque année dans son discours inaugural de l'année judiciaire le phénomène de la corruption qui gangrène les appareils de l'Etat et renouvelle au corps de la magistrature son instruction à combattre impitoyablement ce fléau. Cette année encore, le thème a été au coeur de son intervention devant le parterre de magistrats réunis pour la rituelle cérémonie de l'ouverture de l'année judiciaire 2009-2010.

 Force est de constater que malgré la détermination affichée par le chef de l'Etat de lutter contre la corruption et les directives qu'il donne en ce sens à tous les démembrements de l'appareil étatique, de l'exécutif gouvernemental jusqu'aux responsables locaux, le phénomène s'est singulièrement aggravé ces dernières années. Au point que les citoyens lambda, révoltés par sa socialisation rampante, en sont arrivés à la conviction que «tout est pourri et gangrené» dans la République.

 Et ce ne sont pas les scandales liés à la pratique de cette corruption, dont ils prennent connaissance de façon récurrente et impliquant systématiquement des agents de l'Etat investis de responsabilisés plus ou moins hautes, qui sont pour leur faire atténuer leur appréciation.

 Un haut cadre du ministère de la Justice a cru avoir l'explication à ce mal qui ronge les institutions financières du pays, et tout le reste d'ailleurs, en avançant que «c'est la transition économique qui fait que ce type de criminalité tend à prendre de l'ampleur». L'explication vaut ce qu'elle vaut. Et même si c'est la raison à la base de cette criminalité, il reste que l'Etat est responsable par son laxisme de l'effet «boule de neige» qu'elle a eu ces dernières années.

 Le même haut fonctionnaire du ministère de la Justice a reconnu que «le phénomène touchait à la transparence de la vie économique et à l'intégrité des agents publics». Et c'est en cela justement que l'Etat a été défaillant. A telle enseigne que les citoyens en sont encore arrivés à voir dans sa défaillance la confirmation qu'il existerait une volonté délibérée d'en rester à cette situation qui favorise la prédation et la constitution de réseaux pour la commettre en faisant jouer l'impunité et l'intouchabilité des puissants qui en sont les principaux bénéficiaires.

 Dire que rien ne s'est fait ces dernières années pour tenter de juguler la criminalité économique serait une contrevérité. Les scandales dont la justice a eu à traiter ou est en train de le faire démontrent qu'il existe une volonté d'enrayer le fléau. Des enquêtes ont été ou sont lancées là où la preuve ou la suspicion se sont fait jour. Réalité que l'opinion publique se refuse toutefois à admettre au constat, vrai ou faux, que ces opérations se concluent par des procès dont la masse des mis en cause n'est constituée que de lampistes ou de boucs émissaires sacrifiés sur l'autel des règlements de compte.

 Cette année encore donc, Bouteflika a réitéré son injonction à faire de la lutte contre la corruption et la criminalité économique une priorité phare de l'action des appareils étatiques. Il a raison de persister dans cette voie car, au final, c'est sur cette question et sa prise en charge que se détermineront les citoyens pour juger son apport au pays le temps durant lequel il aura été investi de sa haute charge de Premier Magistrat.