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Barack Obama piégé ?

par Kharroubi Habib

Quand Barack Obama, fait sans précédent pour un président des Etats-Unis, préside le Conseil de sécurité de l'ONU exceptionnel consacré à l'instauration d'une politique destinée à rendre possible la dénucléarisation de la planète, il n'avait pas apparemment connaissance que l'Iran a construit secrètement une usine atomique dont les autorités à Téhéran ont officialisé la réalité deux jours après la tenue de cette réunion.

    En tout cas, la modération du ton qu'il a employé dans son discours en la circonstance à l'égard de ce pays, qui précisément alimente une crise internationale ayant eu pour déclencheur la volonté de ses dirigeants à le doter d'une industrie nucléaire, dont les applications sont soupçonnées d'aller au-delà de l'utilisation à des fins civiles, exclut qu'il ait eu en sa possession à ce moment-là cette information.

    Barack Obama, dont la modération à l'égard de Téhéran a fortement déplu au président français Nicolas Sarkozy, et dans une moindre mesure au Premier ministre britannique Gordon Brown, qui le lui ont fait savoir dans leur déclaration respective devant le Conseil de sécurité, aurait usé d'un tout autre ton. Celui comminatoire de la déclaration commune sur le sujet en marge du sommet du G20 de Pittsburgh faite par lui et ses deux homologues européens. Laquelle fait injonction à l'Iran d'avoir non seulement à se plier immédiatement à l'obligation du contrôle de sa nouvelle usine par l'AIEA, mais aussi de se conformer sans échappatoire et au plus vite aux interdits décrétés par les «cinq+1» sur son dossier nucléaire.

    Dans cette affaire, deux questions s'imposent. La première, c'est comment le tout-puissent président des Etats-Unis a pu être dans l'ignorance d'une information de cette gravité, qui a fait apparaître son discours au Conseil de sécurité, deux jours avant qu'elle ne devienne publique, totalement en décalage avec l'éclairage qu'elle a apporté sur les développements auxquels donnent lieu les agissements avoués des autorités iraniennes ? La seconde est pourquoi ces autorités ont choisi de révéler officiellement ce «secret» qu'apparemment le président américain ignorait quand deux jours avant il s'est montré plus conciliant à leur égard que son homologue français et le Premier ministre britannique ?

   A la première, on peut faire la réponse que Barack Obama a été la victime d'un grave et dangereux piège. Celui que les services de renseignements de son pays, qui ne pouvaient pas ne pas être informés de l'existence de la seconde usine atomique iranienne, l'ont délibérément laissé dans l'ignorance. A la seconde, celle que les autorités iraniennes ayant eu connaissance que ces mêmes services secrets américains ont par contre affranchi sur le sujet les deux alliés occidentaux.

    L'hypothèse peut paraître tortueuse et pas crédible si on mésestime la radicalité des oppositions que suscite la politique de «la main tendue» développée par Obama au sein de l'establishment américain et parmi les milieux du complexe militaro-industriel étasunien.

    Il y a qu'au final, la confiance qu'ont eue l'opinion américaine et internationale en la maîtrise par Obama de la complexité des dossiers chauds de la planète se trouve sérieusement affectée par cette impression d'ignorance qu'il a donnée en cette affaire. Et c'est bien à convaincre de l'incompétence en matière de politique  étrangère du président Obama que travaille la propagande de l'establishment et du complexe militaro-industriel américains.

    En la circonstance, il ne pouvait mieux espérer que la tournure prise par l'enchaînement des évènements provoqué par la révélation sur la deuxième usine atomique iranienne. Sarkozy et Brown, qui indisposent, pour ne pas dire plus, Obama et ses velléités de rupture avec les fondements de la politique étrangère de son prédécesseur, dont ils ont approuvé et soutenu la démarche pour l'essentiel, ne sont pas eux aussi mécontents du camouflet qui lui a été infligé. L'occasion pour eux d'apparaître en acteurs plus déterminés que le locataire de la Maison-Blanche à préserver l'unité de l'alliance  transatlantique.