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Mauritanie : ce n'est pas la sortie de crise

par Kharroubi Habib

L'élection présidentielle qui s'est déroulée avant-hier en Mauritanie devrait, selon les négociateurs des accords qui l'ont rendue possible, mettre fin à la parenthèse antidémocratique dans laquelle le pays a été enfermé pendant les dix mois où il a été gouverné par une junte militaire, suite au coup d'Etat du 6 août 2008 qui a déposé le président légitime, Sidi Ould Cheikh Abdellahi.

 Puisque les accords en question ont été signés par l'ensemble des protagonistes et acteurs de la crise mauritanienne et ont reçu l'aval de la majorité du peuple mauritanien, il peut paraître provocateur que l'on émette l'avis que l'élection présidentielle qui vient d'avoir lieu ne mettra nullement fin à la crise née du coup d'Etat d'août 2008. Et pourtant, il est celui de nombreux observateurs de la scène politique mauritanienne et, plus inquiétant encore, de certains des contractants à ces accords.

 La raison de leur pessimisme s'alimente au constat que le compromis intervenu à Dakar a peut-être évité à la Mauritanie de sombrer dans l'anarchie d'une guerre civile, mais seulement au prix du sacrifice de la légitimité constitutionnelle et électorale qu'incarne le président déchu par la junte militaire. L'élection présidentielle de samedi aurait pu faire une honorable sortie de crise, si la communauté internationale, qui a inspiré le contenu des accords de Dakar, ne s'était pas montrée aussi compréhensive à l'égard des putschistes en acceptant que leur chef y prenne part, alors qu'elles a exercé des pressions sur le président déchu pour que non seulement il renonce à exiger sa réhabilitation en tant que président du pays comme préalable à l'organisation de l'élection présidentielle, mais qu'il ne se porte pas candidat à sa propre succession.

 Il nous sera opposé que le compromis réalisé pour que cette élection présidentielle se tienne a tout de même ce côté positif qu'il a permis de confier au suffrage universel, et donc à la souveraineté populaire, le soin de départager entre les factions et les acteurs en cause dans la crise politique mauritanienne. Sauf que pour les opposants au putsch militaire, il va très vite apparaître qu'ils sont les «dindons» de la farce. Et cela parce qu'ils ont été contraints par compromis d'accepter à aller à cette élection présidentielle dans des conditions matérielle et psychologique et dans un délai qui leur ont été défavorables, alors que le général putschiste et ses partisans, pour avoir été les architectes du processus qui a conduit à cette élection, ont eu toute la latitude de s'y préparer.

 En ne condamnant pas sans appel le putsch mauritanien et ses auteurs, surtout en acceptant que le chef de file de ceux-ci ait la possibilité de se recycler au point de devenir l'homme par qui le retour à l'ordre constitutionnel et la poursuite de l'expérience démocratique vont être assurés en Mauritanie, la communauté internationale a gravement dévalorisé le principe qu'elle a énoncé, disposant qu'elle refuse de reconnaître l'usurpation du pouvoir par la force et de la légitimer, quel que soit le subterfuge auquel auront recours ses auteurs pour tenter de se dédouaner de leur faute.