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Du «bon compromis de Dakar»

par Kharroubi Habib

En démissionnant «volontairement» vendredi, le président mauritanien déposé par un coup d'Etat militaire le 6 août dernier, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, a levé la dernière pierre d'achoppement sur laquelle butait l'application de l'accord de sortie de crise négocié dans la capitale sénégalaise, Dakar, le 4 juin par tous les protagonistes de la crise mauritanienne. En renonçant ainsi à son hypothétique rétablissement en tant que président légitime du pays, Sidi Ould Cheikh Abdallahi a incontestablement fait preuve de la haute conscience qui lui fait placer les intérêts supérieurs de la Mauritanie au-dessus des siens propres. En démissionnant, il a en effet rendu caduc le préalable des anti-putsch du retour à l'ordre constitutionnel avant toute élection présidentielle anticipée, tout en sachant que sa décision fait de lui le grand perdant de celle que son geste permet et qui aura lieu en principe le 18 juillet prochain. Car si lui n'y prendra pas part, son «tombeur», le général Mohamed Ould Abdelaziz, en sera avec une grande chance d'être le gagnant.

L'accord de Dakar a été salué comme un «bon compromis» qui va permettre à la Mauritanie de sortir de la crise constitutionnelle dans laquelle elle a été plongée par le coup de force des militaires le 6 août 2008. Sauf qu'il n'a été obtenu qu'en donnant satisfaction aux putschistes sur l'essentiel, qui est qu'ils restent aux commandes du pays sous une forme déguisée et conservent la haute main sur l'organisation du processus électoral.

C'est pure hypocrisie et cynisme de la part de la «communauté internationale» d'avoir qualifié cet accord de «bon compromis» qui va dans le sens des exigences qu'elle a posées aux auteurs du coup d'Etat. Il n'en est rien, car la façon dont ces derniers sont parvenus à les rendre moins contraignantes va servir de modèle à reproduire là où des centurions en Afrique s'aviseront de confisquer encore une fois le pouvoir. Pour le bien de l'Afrique et son aspiration à la démocratie, la communauté internationale aurait dû s'en tenir à son préalable du retour à la légalité internationale. Au lieu de cela, elle a accordé une prime aux putschistes, dont le chef de file a de fortes chances d'accéder à la magistrature suprême, du moment qu'il est resté le chef d'orchestre du scénario politique et électoral en Mauritanie.

Il semble que la communauté internationale ait donné son onction à l'accord de Dakar avec l'arrière-pensée que la candidature qu'il a rendue possible de l'ex-colonel Ely Ould Mohammed Vall, le «père du processus démocratique», intervenu en Mauritanie après la chute du régime de Ould Taya, est susceptible de contrecarrer les ambitions du général Mohammed Ould Abdelaziz. A priori, Vall a le profil et les atouts qui peuvent lui rallier une majorité électorale. Il bénéficie d'une popularité incontestable dans son pays pour avoir présidé une transition démocratique réussie et de la reconnaissance internationale pour la même raison. Il conserve également, ce qui n'est pas négligeable, le respect d'une bonne partie de la hiérarchie militaire et des troupes.

Sauf que lui ou Mohammed Ould Abdelaziz, s'il accèdent à la magistrature suprême, cela ne sera que le résultat d'un coup d'Etat dont la communauté internationale a finalement légitimé les objectifs en poussant le président légal, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, à renoncer à sa revendication du rétablissement de l'ordre constitutionnel et institutionnel.

Peut-être que pour la Mauritanie, cela sera la solution du moindre mal. Mais ce ne sera certainement pas le bon signe de la détermination internationale à ne plus admettre les usurpations du pouvoir par la force en Afrique ou ailleurs.