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La France et le pétrin gluant

par Abdou BENABBOU

La situation politique, sociale et économique française s'apparente ces derniers temps à une cocotte-minute sur un feu suraigu, avec un contenu tonnant s'apprêtant à un débordement imparable. La conviction unanime actuelle est que l'histoire de la réforme de la retraite qui fait tant de bruits et provoque tant de colères n'est qu'un cheveu tombé maladroitement dans une marmite de soupe populaire au goût déjà insipide.

Dans le magma des non-dits, des quiproquos, des accusations échangées aboutissant au dangereux bras de fer entre le pouvoir et le peuple, il est question en vérité et surtout d'un profond dérèglement sociétal. L'énorme chamaillade actuelle entre le gouvernement et la société française n'est qu'un voile derrière lequel est tapie une épineuse remise en cause d'une culture existentielle habituant les individus à un train de vie entretenu par des acquis sociaux alors qu'aujourd'hui les divers artifices pour un relatif confort ont irrémédiablement tari.

La société française ne peste pas haut et fort contre une ou deux années de travail à effectuer en plus. Elle crie son désarroi contre un pétrin gluant dans lequel elle patauge.

Bien qu'il faille s'y arrêter, il serait puéril de rester engouffré dans le détail de l'analyse des causes des turbulences politiques et sociales du moment d'autant que la France n'est pas la seule à affronter un tel réel séisme. La majorité des sociétés humaines est au bord d'un précipice. Les gouvernements et les populations, ensemble, sont aujourd'hui dans l'incapacité de maintenir et garantir le tempo du vivier adopté jusqu'ici. La décrépitude sociale qui s'étale partout, par les différents visages qu'elle présente est civilisationnelle. Il serait donc trop facile et trop simple de rester figé, les yeux braqués sur les lourds aléas causés par la pandémie, par la crise économique mondiale et par le dérèglement climatique.

Face à la stérilité des acteurs politiques ou à leur engagement dans de sombres labyrinthes, c'est finalement l'histoire qui se répète. Encore une fois, elle trace de vastes autoroutes pour la dictature des extrêmes.