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Le partage du mouton et du repas

par Abdou BENABBOU

La fête du sacrifice est dans une semaine. L'étymologie offre parfois au sens des mots des définitions et des compréhensions contradictoires et si l'on ne se tenait qu'aux origines religieuses, égorger un mouton n'est en aucun cas un acte recommandé par la religion musulmane pour affirmer un statut social. Il est d'abord un devoir facultatif pour une promotion humaine pour ceux qui en ont les moyens. N'est-il d'ailleurs pas en la circonstance un jour sacré pour le vrai musulman lui rappelant l'obligation du partage avec les plus démunis car le mouton est censé être sacrifié pour s'offrir aux nécessiteux.

En ce moment, les prix des béliers donnent le tournis. Comme chaque année malheureusement, des maquignons, pince-sans-rire, exposent des moutons à 120.000 dinars et plus entre autres, forts d'un état d'esprit tordu qui germe dans l'esprit de certains prétendus musulmans, se prêtant au jeu, transformant l'événement en un terrain de compétition à qui mieux-mieux pour une aléatoire affirmation d'une trompeuse promotion sociale. Si de telles énormités de tarifs sont fixées sans pudeur, c'est qu'il existe des acheteurs sans gêne et sans retenue confondant la richesse humaine avec celle matérielle. Les prétextes les plus farfelus sont évoqués pour marcher sur les pieds des plus démunis pour prétendre affirmer une valorisation sociale sans que l'on ne se rende compte qu'elle n'est réellement que décadence.

Le sens de l'humanisme si prégnant dans le passé a totalement disparu s'il n'est encore présent au fond de quelques rares cœurs disparates. Il fut un temps où le dîner du soir restait en travers de la gorge quand on savait que le voisin était étranglé par le besoin et la faim et on ressentait un énorme plaisir et une sublime satisfaction à partager son repas avec lui. L'ostentation était une honte et la discrétion un fondement de l'existence.

Aujourd'hui, la vanité est devenue une flagrante règle libérant les provocations humaines des plus infantilisantes de ceux qui s'évertuent à croire que l'étalage des apparats de la richesse est un signe d'une noble élévation spirituelle. Alors ils ne se rendent pas compte qu'en acquérant avec légèreté un bélier à 120.000 dinars, ils s'accordent à eux-mêmes au grand jour l'incongruité de bêler.